Interview : Thomas Renaud – Breakflip
En 2017, Eclypsia s’effondre. Ce site français dédié à l’actualité du jeu vidéo et du streaming, autrefois parmi les plus influents de sa génération, subit une crise interne violente. Dans ce chaos, deux figures refusent de disparaître avec la structure : Thomas Renaud et Quentin Mitard. Ils claquent la porte, récupèrent les talents disponibles et lancent Breakflip dans la foulée. L’objectif ? Continuer à produire, mais sous leurs propres conditions. Leur approche repose sur une stratégie éditoriale axée sur le référencement naturel et une couverture exhaustive des jeux compétitifs. Cette orientation permet à Breakflip de se hisser rapidement parmi les sites les plus consultés dans le domaine du gaming en France. En 2020, le site atteint une audience moyenne de 2,5 à 3 millions de visiteurs uniques mensuels, selon un classement d’Alexa Internet.
Dans cette interview inédite, The New Siècle s’est entretenu avec Thomas Renaud sur les débuts de Breakflip, l’indépendance construite sans levée de fonds, le lien tissé avec une communauté issue du streaming, la création de contenu en marque blanche en tant que média. Une conversation franche, où revient la question des ajustements rendus nécessaires par les mutations technologiques.
I. Business model & positionnement éditorial
Vous avez su imposer Breakflip dans un univers très concurrentiel sans levée de fonds ni grand groupe derrière vous.
1 – Pourriez-vous nous éclairer sur votre modèle économique et son évolution au fil des années ?
« Le secteur des médias est un milieu précaire. Celui des jeux vidéo l’est tout autant. Alors lancer un média sur les jeux vidéo, bon courage. Nous avons su nous adapter au fur et à mesure des années en faisant grandement évoluer le modèle.
Les premières années, notre modèle économique reposait grandement sur la publicité mise en place sur nos médias. Nous avons concentré tous nos efforts dans la compréhension des algorithmes et sur la rémunération des différents contenus. Nous savions qu’à l’époque, un article lu sur PC pouvait rapporter 5 à 10 fois plus qu’un article lu sur téléphone, par exemple, ou encore que la météo influait également les CPM des régies publicitaires. » – Thomas Renaud
Depuis ses débuts, Breakflip s’est appuyé sur une communauté passionnée et fidèle.
2 – Le soutien engagé de la communauté gaming a-t-il contribué à accélérer la croissance de votre projet ?
« Nous avons eu un énorme soutien dès le lancement du média, de par nos relations avec l’ensemble des créateurs de contenu et le réseau que nous avions tissé depuis 5 ans. Cet engagement a été extrêmement important dans le développement de Breakflip et dans la notoriété rapide de notre site internet.
Quoi de mieux que des créateurs de contenu pour faire la promotion (gratuitement) d’un média en 2017 ? » – Thomas Renaud
Dans cet écosystème saturé de contenus, le défi de la visibilité est central.
3 – Comment Breakflip réussit-il à maintenir l’engagement de ses lecteurs et à se démarquer dans cette surabondance d’informations ?
« Lorsque nous avons lancé Breakflip, nous avons fait face à des mastodontes financiers et des sites extrêmement anciens. Dans les deux cas, difficile de rivaliser avec eux tant sur le SEO que sur la communication sur les réseaux sociaux. Nous avons donc dû faire un choix et privilégier ce qui était le plus rentable et le plus quantifiable : le SEO. Breakflip a fait un virage à 180° fin 2019 en changeant totalement sa ligne éditoriale. Nous ne parlions plus de ce qui nous intéressait, mais nous avons analysé les recherches précises des utilisatrices et utilisateurs sur Google.
Nous avons également compris très rapidement qu’une information pouvait se décliner en plusieurs articles en fonction des recherches des internautes. En outre, nous avons inondé Google de contenus précis pour être sûr de trouver la réponse à chaque question des internautes. Cela nous a valu une forte croissance de trafic en 2020. » – Thomas Renaud
Breakflip ne s’est pas contenté d’informer sur les jeux : vous avez choisi d’embrasser aussi la compétition.
4 – En quoi votre approche diffère-t-elle en termes d’expérience utilisateur ou de modèle éditorial du leader Jeuxvideo.com ?
« Avec les nouvelles réglementations de Google ces dernières années, notre modèle éditorial et celui de Jeuxvideo.com se ressemblent de plus en plus. Leur vraie force restera leur partie tests de jeux, là où nous nous concentrons davantage sur l’accompagnement des joueurs et des joueuses dans leur pratique du jeu vidéo. » – Thomas Renaud
II. Évolutions technologiques
Avec Breakflip, vous ne vous contentez pas de proposer une sélection d’articles web, vous offrez également un service de création de contenu en marque blanche.
5 – Les prestations en marque blanche représentent-elles, in fine, la part de CA la plus importante de Breakflip ?
« Les prestations en marque blanche représentent aujourd’hui plus de 90 % du CA de la société. Cela s’explique par le fait que nous avons démultiplié les contrats avec des clients et partenaires qui nous font de plus en plus confiance sur de gros projets.
Le site internet est toujours important pour nous car il nous permet d’avoir des retours directs sur l’implication de la communauté sur certains jeux ou événements. Grâce à ces apprentissages, nous pouvons conseiller au mieux lors de nos prestations. » – Thomas Renaud
L’arrivée de l’IA générative redéfinit les contours de l’écriture et de la production éditoriale.
6 – Comment gérez-vous l’impact de cette évolution sur Breakflip ?
« Nous avons toujours considéré l’IA comme un outil indispensable pouvant faciliter le travail quotidien de nos équipes. La limite est fine entre une bonne utilisation et une utilisation à outrance pouvant ne pas plaire à Google. Nous utilisons l’IA dans des travaux de fond, de recherche ou d’analyse. Jamais dans de la rédaction de contenu. » – Thomas Renaud
III. Déploiement international et vision à long terme
L’agence opère déjà à l’international avec trois antennes à Los Angeles, Tours et Hong Kong.
7 – En quoi ces adresses sont-elles stratégiques ?
« Au fur et à mesure de notre développement, nous avons eu à travailler avec des sièges asiatiques ou américains. Le fait d’avoir une antenne sur ces continents montre un sérieux et une vraie professionnalisation de notre agence. À de nombreuses reprises, cela nous a été utile afin de continuer des discussions avec des clients potentiels, puisque grâce aux trois bureaux, nous sommes véritablement disponibles 24h/24. » – Thomas Renaud
The New Siècle remercie Thomas Renaud pour avoir répondu favorablement à notre interview et ainsi livrer sa vision et son expérience à nos lecteurs.
Juliette Lamy
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