
Adieu, Anna Wintour : le bilan d’une icône et ce que Vogue ne sera plus jamais
Quand Anna Wintour est arrivée à la tête de Vogue US en 1988, elle a bousculé les codes de la mode. Sa toute première couverture annonçait la couleur : une mannequin qui sourit, en jean Guess, avec un haut couture Christian Lacroix. Un mix inattendu, presque choquant pour l’époque. Mais c’est ça, Anna. Toujours là où personne ne l’attend, et toujours une longueur d’avance.
Une empreinte indélébile sur Vogue
Pendant 37 ans, Anna Wintour a tenu Vogue comme on dirige une maison de couture, avec un œil chirurgical et un sens du timing redoutable. Le magazine, sous sa direction artistique, est devenu bien plus qu’un média : une machine éditoriale culturelle, une vitrine du pouvoir (de la mode, oui, mais aussi politique et médiatique) et un générateur d’icônes. Mais même les empires les mieux huilés finissent par changer de mains… Le 25 juin 2025, la journaliste a annoncé clore ce chapitre, quittant la direction du média. Si elle garde un rôle global chez Condé Nast, le Vogue mythique, celui piloté au millimètre par une seule femme, est révolu. Et avec son départ, c’est toute une époque qui est impactée.

Anna Wintour laisse derrière elle des moments-clés gravés dans l’histoire de la mode. En 1988, sa toute première couverture pour Vogue US bouscule tout : la mannequin Michaela Bercu, souriante, en jean Guess et haut Lacroix, photographiée par Peter Lindbergh en plein mouvement. Un ovni à l’époque, un manifeste en creux

En 2004, elle lance le CFDA/Vogue Fashion Fund pour soutenir les jeunes designers après les attentats du 11 septembre 2001. Un tremplin qui révèlera Alexander Wang, Joseph Altuzarra et bien d’autres. Puis en 2005, elle participe à faire du Met Gala un événement mondialisé, aussi stratégique pour les maisons que la Fashion Week. En 2014, elle propulse Kim Kardashian et Kanye West en couverture de Vogue : scandale absolu pour certains, coup d’avance sur la culture pop pour d’autres.
Vogue, le Met, les talents… l’empire Wintour
Ce que Wintour a bâti, c’est un univers. Le papier n’était qu’un point de départ. Sous sa houlette, Vogue s’est étendu : site, vidéos, Vogue World, Met Gala, collaborations luxe, engagement caritatif… tout en gardant une esthétique cohérente, une empreinte unique.

Elle a élevé le Met Gala au rang d’événement mondial. Au départ, c’était un gala new-yorkais, chic mais discret. Elle en a fait une sorte d’Oscars de la mode, une soirée de cérémonie que les stars craignent autant qu’elles espèrent, où la robe vaut autant que le message qu’elle porte.

Côté créateurs, elle a été un véritable levier de carrière. Galliano, McQueen, Phoebe Philo, Marc Jacobs… tous sont passés par le regard de Wintour avant de devenir cultes. Elle les a soutenus quand personne n’osait, les a placés là où il fallait au moment où la mode avait besoin de sang neuf. Elle savait capter le frisson d’une silhouette, l’intuition d’un style, avant même que le marché n’en prenne conscience. Elle avait le nez pour flairer le moment juste. L’œil Wintour, ça ne s’expliquait pas. Ça s’imposait dans les pages, sur les catwalks et dans les carrières.
Derrière les lunettes noires : 35 ans d'influence politique, culturel et business
Mais tout n’a pas été lisse. L’ère Wintour, c’est aussi celle d’un certain entre-soi. Pendant longtemps, Vogue a renvoyé une image très normée de la beauté. Blanche, élitiste, très upper class. Il a fallu attendre les années 2018–2020 pour voir des figures plus diverses, plus engagées, plus représentatives. Certains ont applaudi. D’autres ont vu un virage un peu tardif.

Elle a aussi toujours assumé une ligne politique claire. En 2008, Barack Obama apparaît en couverture. Plus tard, Kamala Harris. Certaines célébrités jugées « incompatibles » avec ses valeurs n’ont jamais eu droit à la une. Ce parti-pris, elle ne l’a jamais caché. Vogue, pour elle, devait être un acteur de son temps, pas juste un miroir.
Ce pouvoir, elle l’a exercé avec fermeté. Pas de coups de sang, pas de cris. Tout se jouait dans le silence. Un regard, un « non », et c’était plié. Dans l’industrie, son nom suffisait à ouvrir ou fermer des portes.
Ce que Vogue ne sera plus jamais
L’après-Wintour est encore flou. Ce qui est sûr, c’est que le modèle de la rédactrice toute-puissante semble dépassé. Vogue va devoir se réinventer dans un monde plus horizontal, plus digitalisé et plus collectif. Des figures comme Chioma Nnadi ou Chloe Malle prennent le relais avec d’autres codes plus inclusifs et moins « dictatoriaux ».

Mais son départ laisse un vide dans le milieu de la mode. Pas juste un fauteuil à remplacer. Un fantasme, presque. Celui d’un Vogue qui décidait tout, qui faisait et défaisait des carrières, imposant une vision et un héritage sans appel de la mode.
Aujourd’hui, tout est plus diffus. Avec les influenceurs, les plateformes et les jeunes médias, le rapport au style évolue. Le pouvoir est partagé. Ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Mais ce ne sera plus jamais comme avant. Plus jamais aussi net, aussi tranché, aussi iconique. Et ça, ça signe peut-être le vrai bilan Anna Wintour. Celui d’un règne qu’on ne verra plus. Et d’un monde où une seule femme pouvait incarner toute une industrie.

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