De Dofusbouclier au décollage fulgurant de la chaîne Squeezie

S’il y a bien un youtubeur qui fait l’unanimité, c’est Squeezie. De son vrai nom Lucas Hauchard, le vidéaste originaire du Val-de-Marne s’est construit au fil des années une communauté qui dépasse les frontières d’Internet. Lancée en 2008, sa première chaîne YouTube, Dofusbouclier, propose des vidéos autour du jeu éponyme. Le jeune Lucas ouvre par la suite Thevideobc2 et ce n’est qu’en 2011 que sa chaîne principale, Squeezie, voit le jour. Il y pose très vite les bases qui feront son identité : tests de jeux, réactions, conseils et premières expérimentations de formats divertissants qui installent sa signature. 

L’année 2013 marque un tournant pour le vidéaste. Il atteint les 500 000 abonnés, multiplie les collaborations notamment avec Cyprien, déjà incontournable sur la plateforme, et installe un duo devenu structurel dans l’histoire de YouTube France. Un an plus tard, ses vidéos totalisent plus de 70 millions de vues annuelles. La barre des 2 millions d’abonnés est franchie… et les revenus explosent. Le socle de son empire est posé. À cette période, la chaîne amorce aussi sa dynamique économique : un RPM moyen supérieur à 1 €, des vidéos qui deviennent virales, une audience qui s’élargit et ainsi, une croissance qui s’installe dans la durée.

Les fondations d’un règne sur YouTube et Twitch

En 2015, Squeezie connaît une première bascule financière majeure. Actionnaire minoritaire de Talent Web, la régie publicitaire intégrée au groupe Mixicom qui rassemblait notamment Cyprien et Norman, il profite du rachat de l’ensemble par Webedia pour 75 millions d’euros. Sa participation, d’environ 15 %, lui rapporte près de 4 millions d’euros alors qu’il n’avait investi qu’une somme modeste deux ans plus tôt. Cette opération le propulse très tôt dans une nouvelle dimension économique et lui donne les moyens de financer ses projets créatifs et entrepreneuriaux.

Le créateur de contenu professionnalise alors sa production, augmente la cadence, teste des formats plus ambitieux et structure une équipe capable de soutenir cette montée en gamme. La monétisation des vidéos, les partenariats et les placements de produits deviennent des leviers structurants. Sa force est de transformer chaque idée en projet rentable. Ses vidéos aux productions XXL comme Qui est l’imposteur ? montrent sa capacité à convertir innovation et budget en résultats concrets, la dernière vidéo cumulant par exemple près de 10 millions de vues en un mois. 

Avec plus de 11 milliards de visionnages cumulés, sa chaîne est devenue l’un des plus gros actifs digitaux de France, générant des revenus conséquents et surtout récurrents. Ses streams réguliers sur Twitch font également de lui l’une des figures incontournables de la plateforme. Une audience différente, un lien plus direct et une autre source de revenus. Il réunit en moyenne autour de 4 000 abonnés payants, un chiffre qui fluctue au fil des mois mais qui suffit déjà à générer une base d’environ 23 960 dollars mensuels rien qu’avec les abonnements à 5,99 dollars. Twitch devient pour lui un terrain de jeu à part entière, une preuve supplémentaire que sa force réside dans sa capacité à engager, quel que soit le format.

Construire sa propre machine de création

En 2020, Squeezie franchit un nouveau palier. Il cofonde Unfold, sa société de production, avec son équipe créative notamment son réalisateur et ami Théodore Bonnet et Clara Lesage. Unfold produit ses formats les plus ambitieux et encadre la création de vidéos qui peuvent mobiliser plusieurs dizaines de personnes. Sur le plan économique, la structure occupe une place centrale. Elle a réalisé environ 14 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021, près de 18 millions en 2022 et autour de 23 millions en 2023. Squeezie y détiendrait environ 20 % des parts, ce qui lui permet de capter une part importante des bénéfices et de consolider la valeur créée par ses contenus, ses événements et tout ce qui les entoure. 

Le GP Explorer en est la preuve la plus spectaculaire. Une course de Formule 4 réunissant youtubeurs, influenceurs, artistes et athlètes avec une production colossale devenue cas d’école. L’édition 2025 a battu tous les records : 1 497 659 viewers simultanés sur Twitch, une diffusion sur France TV suivie par plus d’1,2 million de téléspectateurs et des partenaires premium, de Samsung à Netflix en passant par Sol de Janeiro.  Le GP Explorer a montré que les créateurs de contenus peuvent générer des événements à valeur réelle avec un modèle entrepreneurial comparable à celui d’une structure professionnelle de l’industrie du divertissement.

Gentle Mates, la nouvelle pièce maîtresse de son empire

À côté d’Unfold, Bump complète l’architecture. Souvent présentée comme l’agence lancée après son départ de Webedia, elle fédère plus de soixante-dix chaînes YouTube, génère plusieurs milliards de vues par an et accompagne les créateurs dans leurs campagnes et leurs partenariats. Unfold comme Bump constituent les deux faces de son dispositif : l’une produit, l’autre déploie. Et l’initiateur des « Thread horreur » possède également Balai Steak, sa société support qui a notamment porté sa marque de vêtements Yoko (arrêtée depuis). 

Surtout, depuis 2023, un nouveau bloc majeur est apparu : Gentle Mates, son équipe e-sport. Cofondée avec Gotaga et Brawks, elle s’est imposée comme une structure compétitive respectée dans le milieu. Et derrière les résultats sportifs, il y a tout un modèle économique qui s’est installé. Le sponsoring constitue 40 % du chiffre d’affaires de Gentle Mates, soit autant que le merchandising (40 %). S’y ajoutent les revenus des ligues (20 %) tels que ceux associés au programme des clubs de l’EWC. C’est dire l’importance des marques dans son modèle, comme dans celui des autres clubs qui, contrairement aux acteurs du sport, ne touchent pas de droits médias.

La formule Squeezie, entre constance et instinct entrepreneurial

Le succès de Squeezie fascine. Des millions d’abonnés, une fortune estimée entre 30 et 40 millions d’euros, une statue au musée Grévin. Un patrimoine immobilier avec plusieurs appartements dans le VIIIᵉ arrondissement de Paris et, plus récemment, la commercialisation d’une boisson, le Ciao Kombucha. Lancement en mai 2025, rupture de stock immédiate. Le produit génère 788 000 € de chiffre d’affaires dès son premier mois. Son prix abordable (2,90 €), sa rareté volontaire et un branding jeune et efficace le transforment en phénomène culturel. 

Squeezie semble avoir mis le monde de l’influence à ses pieds… et il n’est pas le seul créateur à connaître un tel rayonnement. Léna Mahfouf et d’autres incarnent aussi cette montée en puissance. Mais sa trajectoire interroge : révèle-t-elle un modèle reproductible ou l’exception d’une génération arrivée au bon moment, avec les bons codes, la bonne énergie et une intuition entrepreneuriale rare ?

Nom d'auteur Myriam Ait Abdelmalek
Formée en journalisme et en stratégies de communication, Myriam débute sa carrière chez Vogue France. Après plusieurs années passées au sein des éditions Condé Nast (Vogue, GQ, AD) et auprès de rédactions prestigieuses (Stylist, Marie Claire), elle assume un goût effréné pour les sujets luxe et société. Pour The New Siècle, elle décrypte aussi bien les pièces de joaillerie les plus pointues du marché que les palaces de rêve où séjourner.
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