Le Versus : Parfum Nishane Meant to Be Seen VS Château Margaux 2015, la mémoire du luxe en effluves croisées
L’un parle à la peau, l’autre au verre. Tous deux rappellent que la mémoire du luxe passe d’abord par le nez. Chez Nishane, maison indépendante fondée à Istanbul, cette empreinte prend la forme de Meant to Be Seen, parfum boisé et poudré signé Jordi Fernández. En face, le vin Château Margaux 2015 incarne un autre tempo, celui du savoir-faire patient et du geste répété avec exigence, jusqu’à atteindre un parfait équilibre entre puissance et grâce. The New Siècle a choisi de les confronter, explorant comment deux créations que tout oppose sur le papier finissent par parler le même langage, celui de l’olfaction.
Signature sensorielle : quand l’émotion devient souvenir
Parfum Nishane Meant to Be
Si une fragrance pouvait se faire entendre, il s’agirait sans aucun doute de celle-ci. Le parfum Meant to Be Seen lancé en 2025, signé par la maison Nishane, ouvre sur une bergamote nette que la violette adoucit, puis l’iris beurre prend le relais avec ce velouté poudré si reconnaissable. Autour, l’ambrettolide apporte un halo musqué tandis qu’une pointe de civettone, molécule d’origine synthétique, apporte un léger relief charnel, juste assez pour donner de la profondeur.
En fond, l’akigalawood et le bois de santal installent une chaleur boisée, plus sèche que sucrée, relevée par une nuance de sésame qui offre au sillage une effluve subtilement gourmande. Classé en extrait de parfum (donc à concentration élevée), il garde sa structure des heures durant, sans perdre la précision de ses notes de cœur. Le Meant to Be tient indéniablement sa promesse : être perçu sans jamais s’imposer.
Note : 4/5
Château Margaux 2015
Issu du terroir de Margaux, sur la rive gauche du Médoc près de Bordeaux, Château Margaux 2015 est un vin rouge d’appellation Grand Cru Classé, planté sur ces graves profondes où le Cabernet Sauvignon domine depuis des siècles. Ce millésime appartient à une lignée rare, celle des années où la nature s’est montrée plus qu’indulgente. L’hiver fut frais, le printemps sec, l’été chaud sans excès ; les raisins ont mûri lentement, gorgés de soleil le jour et rafraîchis la nuit. La robe, d’un grenat dense aux reflets pourpres, capte la lumière sans la retenir. Le nez s’ouvre sur des fruits noirs mûrs (cassis, mûre, cerise sombre) rejoints par le cèdre, le graphite et un soupçon de tabac blond.
À mesure qu’il s’aère, des notes plus florales se révèlent : violette et pivoine… parfois une pointe de poivre doux. En bouche, l’attaque est droite, presque verticale, puis la matière s’étire, ample et fine à la fois. Les tanins, serrés mais polis, donnent du grain sans âpreté ; la fraîcheur soutient le fruit, la finale persiste longuement sur une impression de soie et de sous-bois.
Note : 5/5
Art de la création : la maîtrise du geste
Parfum Nishane Meant to Be
La création de Meant to Be Seen s’est déroulée comme un travail d’orfèvre. Chez Nishane, maison indépendante d’Istanbul fondée par Mert Güzel et Murad Katran, chaque parfum naît d’un dialogue étroit entre émotion et structure. Pour cette pièce, la maison a confié la direction olfactive à Jordi Fernández (IFF), avec la participation des parfumeurs Mert Güzel et Jorge Lee. Ceux-ci se sont concentrés sur la cohérence de la formule, les temps de macération et la stabilité du sillage, afin que le parfum garde la même justesse du premier contact jusqu’à sa dernière trace.
Fidèle à l’esprit de Nishane, la fabrication s’est faite en volumes limités, dans une logique artisanale où chaque étape est supervisée à la main. Meant to Be Seen est le résultat d’un geste mesuré, précis, indépendant, et fidèle à l’idée qu’un parfum doit durer parce qu’il a été pensé, pas parce qu’il a été amplifié un excès de concentration ou des effets artificiels.
Note : 4/5
Château Margaux 2015
Le millésime Château Margaux 2015 a marqué un moment particulier. Le dernier orchestré par l’œnologue et ancien directeur général de Château Margaux Paul Pontallier, disparu peu après, et la naissance des nouveaux chais dessinés par l’architecte britannique Norman Foster. Les vendanges ont été menées à la main, rang après rang, avec cette précision propre au domaine château Margaux : maturité phénolique juste, acidité vive, peaux épaisses, concentration idéale… Fidèle à la philosophie du domaine, le millésime 2015 a suivi un double chemin de vinification, associant le bois pour arrondir la matière et polir les tanins et l’inox pour préserver la fraîcheur et la précision aromatique.
L’élevage s’est déroulé en fûts neufs pendant près de deux ans dans une atmosphère contrôlée où chaque barrique était dégustée, soutirée et ajustée au fil des mois, dans un souci constant d’équilibre et de justesse. Un travail d’atelier, presque de couture. Le 2015 est né de cette patience, de ce geste répété sans esbroufe fidèle à une maison qui préfère la maîtrise à la démonstration.
Note : 5/5
Prix & Valeur perçue : la rareté à l’épreuve du temps
Parfum Nishane Meant to Be
Affiché entre 95 € et 345 € selon le format, Meant to Be Seen se situe dans la sphère la plus exigeante de la parfumerie de niche. Son prix reflète une production maîtrisée et un choix clair : matières premières rares, concentration élevée, fabrication en volumes limités, distribution sélective. Au sein de la maison Nishane, le coût est gage d’intention. La valeur perçue repose sur la confiance, celle que l’on accorde à une marque qui compose pour durer. Le flacon attire un public averti, prêt à investir dans une émotion plutôt qu’une mode passagère. Meant to Be Seen assume ainsi son rang… celui d’un parfum dont la finesse se paie au prix de sa discrétion.
Note : 4/5
Château Margaux 2015
Côté vin, la rareté s’exprime autrement. À sa sortie, le Château Margaux 2015 s’affichait autour de 900 € la bouteille… et dépasse aujourd’hui les 1 500 € sur le marché secondaire. Un prix qui traduit l’excellence du millésime autant que sa charge symbolique, étant le dernier signé Paul Pontallier et le premier provenant des nouveaux chais Norman Foster. La maison a même créé pour 2015 une bouteille sérigraphiée en édition spéciale (première et unique entorse à ses habitudes), un détail qui pèse dans la valeur perçue auprès des collectionneurs et fins connaisseurs. À cela s’ajoute une sélection drastique avec environ 35 % de la récolte retenue pour ce Grand Vin, ce qui accroît d’autant plus la tension sur l’offre.
Note : 4,5/5
Verdict : la patience l’emporte… avantage au Château Margaux 2015
Deux langages du luxe, deux façons de durer. Meant to Be Seen s’exprime à voix basse, dans cette retenue qui signe la vraie justesse. Château Margaux 2015 répond par une autre temporalité, celle de la patience et de la transmission. L’un caresse la peau, l’autre marque la mémoire… et tous deux s’adressent à ce sens invisible de l’olfaction qui relie l’émotion au souvenir.
Pourtant, derrière leur maîtrise, une nuance se dessine. Au terme de ce duel, l’avantage revient à Château Margaux 2015 pour sa capacité à transformer la matière en trace durable. Le luxe promet souvent l’éclat immédiat, rarement la profondeur, et le millésime tient cette promesse du temps, celle qui résiste à l’usure et se renforce dans la mémoire.
Moyenne Nishane Meant to Be Seen :
Moyenne Château Margaux 2015 :
Juliette Lamy
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