Dans cet entretien inédit, The New Siècle a interrogé Julien Lopez sur son passage des sommets enneigés aux terrains de l’entrepreneuriat, sur ses projets d’habitat collaboratif, et sur la philosophie de résilience qu’il transmet désormais aux entreprises.

I. Des pistes enneigées aux planches de conférences

À 15 ans, vous entrez en équipe de France de ski acrobatique et frôlez les Jeux olympiques de Salt Lake City avant une blessure au genou. Deux ans plus tard, vous vous réinventez en freeride et devenez champion du monde en 2009.

1 – Qu’est-ce que ces bascules sportives vous ont appris sur la manière de rebondir après un échec majeur ?

« Il ne faut pas voir ces moments comme des échecs, mais comme des tremplins. On ne contrôle pas ce qui nous arrive, seulement la manière dont on réagit. Quand la Fédération m’a imposé de choisir entre continuer en ski de bosses ou rejoindre les grandes marques qui me proposaient le freestyle, j’ai pris le virage. J’ai laissé passer les Jeux, mais j’ai suivi un mouvement qui m’a offert plus de liberté et d’opportunités. Puis est venue la blessure au genou, au sommet de ma carrière. Deux ans de rééducation, une vraie traversée du désert, alors que mes potes continuaient de skier et que le freestyle avançait à toute vitesse.

Plutôt que de m’effondrer, j’ai repris des études en commerce et en marketing. Et un jour, en 2004, un prof m’a demandé devant toute la promo : “Qu’est-ce que tu veux dans 5 ans ?” J’ai répondu : “Champion du monde de freeride.” Cinq ans plus tard, en 2009, je l’étais. Ça m’a appris que la clé est là. Transformer chaque coup dur en énergie pour avancer, se projeter plus loin, et ne jamais s’arrêter sur un point perdu… passer directement au point d’après. » – Julien Lopez

Vous avez vécu des moments extrêmes, notamment deux avalanches dont vous êtes sorti indemne.

2 – Comment ces expériences de survie ont-elles façonné votre mental et votre approche du risque aujourd’hui ?

« J’ai toujours eu ce rapport avec le risque, parce que dans mon sport on perd souvent des proches. Le danger fait partie du jeu. Les deux avalanches n’ont pas changé qui je suis, mais elles ont renforcé ma conviction que chaque seconde compte. Quand tu sors vivant de cela, tu n’as plus le droit de râler, tu te rappelles la chance énorme d’être là. La première avalanche m’a servi de piqûre de rappel. J’avais poussé le bouchon trop loin et j’ai compris qu’en montagne, tu n’as pas deux fois le droit de faire les mêmes erreurs.

La deuxième a été encore plus marquante. Tout s’effondre autour de toi, tu paniques, tu crois que c’est fini… et au fond, il y a une énergie vitale qui te dit “non, ce n’est pas maintenant, tu as encore trop de choses à vivre”. Quand je m’en suis sorti, je me suis demandé pourquoi moi, pourquoi deux fois indemne alors que j’ai perdu des dizaines de copains. J’ai pris ça comme une responsabilité. Ces expériences m’ont donné envie de transmettre, de sensibiliser, de raconter aussi mes erreurs pour que d’autres ne les reproduisent pas. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait la première fois sur scène, lors d’un TEDx, en partageant cette histoire devant 900 personnes. » – Julien Lopez

II. Entreprendre autrement

BedAndFriends est fondé en 2010, pensé comme un “Airbnb de la colocation”.

3 – Quelles étaient les principales difficultés à mettre en place ce modèle, encore peu connu à l’époque ?

« Ça n’a pas été si difficile parce qu’à un moment, ce sont les chiffres qui parlent. Le plus dur, c’était d’acheter le premier appartement. Après, ça a déroulé, j’ai testé le modèle en sous-location avec un loyer tout compris, et ça a tout de suite marché. Tellement bien que je gagnais assez pour organiser des fêtes dans l’appart. L’année suivante, je suis allé voir le banquier en lui disant : pourquoi louer, alors que je peux acheter ? Je lui ai présenté un prévisionnel pessimiste… et finalement, j’ai fait le double. Donc j’ai acheté un deuxième, puis un troisième.

Je n’ai pas eu besoin d’investisseurs au départ. La vraie difficulté, c’était de convaincre le banquier, parce qu’à l’époque il ne comprenait pas la coloc. Il me disait : “Mais vous voulez dire que des gens partagent la même douche ?” Je lui répondais : “Ben oui, comme une famille.” Aujourd’hui ça paraît banal, mais en 2010, il fallait vraiment expliquer le modèle. J’ai ensuite développé rapidement une application pour gérer tout ça, parce que mon but, c’était d’être sur les skis. Et le seul investissement que j’ai dû faire au départ, c’était ce développement, pour 5 à 10 000 euros. » – Julien Lopez

10 ans plus tard, vous lancez Investimer, qui permet de devenir copropriétaire en échange de temps consacré à l’entretien d’un bien.

4 – Comment avez-vous validé la viabilité de ce modèle hybride sur le terrain ?

« Je suis encore en train de le valider. Avec l’évolution de la crypto, ça devient même encore plus facile à mettre en place. À la base, tout est parti d’une application que j’avais développée pour gérer mes colocations. En un coup d’œil, je pouvais voir les disponibilités, éditer les baux, gérer les entrées et sorties. Chaque appartement avait un “capitaine de coloc”, un peu comme un délégué de classe chargé de remplir l’appartement avec des gens qu’il choisissait. Ça garantissait une bonne ambiance et de la stabilité.

Si ce capitaine faisait bien son travail, je lui proposais de devenir “investimer”, un mot que j’ai inventé et déposé. L’idée est simple : un investisseur a de l’argent, un investimer a du temps. En échange de sa gestion, il devient copropriétaire du logement, via des parts sociales dans la SCI. Concrètement, il facture une prestation annuelle correspondant à environ 2,5 % du montant de la SCI. Si les critères de qualité définis ensemble (remplissage, chiffre d’affaires, note de vie) sont respectés, il est payé en parts plutôt qu’en numéraire. Et il peut même moduler : 100 % en parts sociales, ou bien moitié en parts et moitié en cash. S’il ne respecte pas les critères, il est simplement payé en numéraire, mais sans participation au capital. » – Julien Lopez

III. Apprendre et transmettre

En mai 2021, vous quittez la Savoie pour Paris afin d’accélérer. Vous fréquentez l’écosystème start-up et échangez avec des grands dirigeants.

5 – Comment ces mentors ont-ils influencé votre trajectoire entrepreneuriale ?

« Très bonne question. C’est Bpifrance qui m’a vraiment mis le pied à l’étrier. Grâce à eux, j’ai participé à un événement dès le début où j’ai rencontré Xavier Niel et Maurice Lévy. Mais celui qui a eu le plus d’impact, c’est Thomas Schmider, cofondateur d’Infogrames. Il m’a pris sous son aile comme un vrai mentor. Lui était directeur administratif et financier, donc à l’opposé de mon profil de freerider. J’ai appris auprès de lui la précision, à poser les bonnes questions : “Quelle est la hauteur du rocher, combien de mètres en bas, où tu t’arrêtes ?”. Là où moi, je disais simplement : “Ça passe”.

Et puis, être à Paris m’a plongé dans un réseau incroyable. Le fait d’avoir été champion du monde et d’avoir survécu à deux avalanches intrigue forcément, ça attire la curiosité. Ça m’a permis de rencontrer très facilement des entrepreneurs, des investisseurs, des patrons. Dominique Busso, le patron de Forbes France, m’a pris sous son aile, m’a ouvert plein de portes. D’un coup, je me suis retrouvé dans la cour des grands, à observer ceux qui jouent la compétition de l’entrepreneuriat comme un classement, avec ses ligues, ses points, ses champions. Moi qui ai toujours eu l’esprit de compète, ça m’a donné envie d’y retourner, mais dans l’arène business cette fois. » – Julien Lopez

Vous avez animé des conférences pour Waze, UCB ou Pierre Martinet, avec un positionnement clair : transformer la peur en moteur. Vous vous présentez comme un “ninja de la motivation” et vous insistez sur la résilience comme compétence clé. et “interprète de la résilience”

6 – Quels sont les leviers les plus concrets pour instaurer cette culture de résilience dans une équipe ?

« Dans l’entrepreneuriat, si on n’a pas une équipe solide derrière soi, ça ne marche pas. Il faut créer une cohésion, des liens forts, fédérer. Moi, je venais d’un sport individuel, mais j’avais quand même un préparateur, un caméraman, une équipe à garder motivée. Et si eux ne l’étaient pas, ça me coupait aussi l’envie de gagner. Une fois que l’équipe est soudée, rien de mieux que le sport pour renforcer cette énergie. Cet été, j’ai fait du wake avec des hommes politiques, des entrepreneurs, des amis. La glisse, c’est fédérateur. Même si on n’y arrive pas, le simple fait d’essayer est déjà un dépassement de soi. Les masques tombent, il n’y a plus de statuts, juste une expérience partagée.

Je transmets aussi que la peur doit devenir un moteur. Ma plus grande victoire n’a pas été d’être champion du monde, mais d’avoir appris à jouer avec mes peurs. C’est le voyant rouge qui me maintient en vie. Si je prends le départ d’une compétition sans peur, c’est soit que je fais un truc trop facile, soit que je suis inconscient. Mais une fois qu’on l’a acceptée, tout ce qu’il y a de meilleur se situe juste derrière. Et puis il y a des méthodes concrètes pour garder une équipe motivée. La communication non-violente en fait partie, tout comme la méthode DISC, qui aide à comprendre les personnalités. Adapter son discours en fonction de la personne en face est essentiel. » – Julien Lopez

En 2023, vous créez The Life Enjoyers, une chaîne YouTube pensée comme un hub de créativité et d’énergie positive, où sportifs, entrepreneurs, artistes et aventuriers partagent leurs parcours de vie.

7 – Peut-on imaginer dans ce projet les prémices d’un incubateur… voire d’un média à part entière ?

« The Life Enjoyers, je l’ai créé pour raconter mon parcours à travers trois univers : le sport, le business et le happiness. J’ai lancé la série… puis je l’ai un peu arrêtée car j’avais beaucoup de choses à gérer. Mais je suis sur le point de la relancer. C’est intéressant que vous m’en parliez, parce que je prépare le grand retour, le comeback. Parler d’incubateur, ce serait peut-être prétentieux. Mais c’est clairement un endroit où je peux m’exprimer librement, donner du temps et la parole à des personnalités que je trouve inspirantes dans ces trois univers.

Il y a toute une partie vlogging que je veux remettre en place, comme je le faisais déjà avec ma web-série Powdcast, avec un W pour powder, la poudreuse. Tout cela formait déjà un ensemble, et l’idée de créer un véritable lieu ou même un média à part entière, c’est une piste à laquelle j’ai beaucoup réfléchi cet été. D’ailleurs, je vous donne une exclusivité : je suis en train de mettre en place un concept en format court qui s’appelle Sunview. J’invite des personnalités, je leur fais faire un sport dans un lieu magique, au coucher du soleil, puis on échange sur leur business et leur état d’esprit. » – Julien Lopez

The New Siècle remercie Julien Lopez d’avoir répondu à notre interview et ainsi partager sa vision et son expérience à nos lecteurs.

Nom d'auteur Juliette Lamy
Juliette Lamy a fait ses armes dans l’audiovisuel puis à la rédaction de Gala.fr et Webedia. Au sein de The New Siècle, elle orchestre les formats exclusifs : Interview, 1 Min Chrono, Le Versus et Entretien avec l’IA. Quelle que soit la thématique, intelligence artificielle, innovations, gaming, elle traque toujours l’intention. Ce que cela change. Pour qui, et pourquoi. Ses phrases, souvent courtes et rythmées, sont sa signature intellectuelle.
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