Dans cette interview exclusive, The New Siècle s’est entretenu avec Julien Krief sur la genèse d’ALLDAY, ainsi que la trajectoire qui l’a conduit à repenser l’immobilier par le prisme de l’usage. Il y partage une lecture affûtée d’un marché en évolution, où le bureau ne se définit plus par sa surface mais par sa capacité à être agile.

I. Vision entrepreneuriale et trajectoire

1 – Pourquoi, après plus de 20 ans dans l’investissement immobilier avec Immocom et Neos, avoir lancé ALLDAY, un projet bien plus orienté usage que rendement ?

« Il faut d’abord comprendre le contexte : post covid, les taux étaient certes bas mais la confiance en l’immobilier n’était pas au summum, et les banques avaient fermé les robinets. Aucune classe d’actif ne se vendait. Nous avons alors réalisé que le stock de bureau parisien était élevé, que les investisseurs Airbnb et utilisateurs qui faisaient monter les prix en 2019/2020 avaient presque disparu des radars, mais surtout, que pour booster les rendements il fallait mettre les mains dans l’exploitation.

Allday résulte donc d’un constat de marché et d’une anticipation du cycle des bureaux hyper centre parisien. Le premier site ALLDAY, rue Montmartre à Paris, devait être transformé… en Airbnb ! Nous avions obtenu les autorisations et allions faire les travaux. Mais nous avons choisi de le rénover en bureau, pour essayer… La surface s’est louée en 15 jours à un loyer de 800 €/m2 quand la location vide se louait alors 400 € dans le même immeuble.

Nous savions que nous n’inventions rien, mais que nous tenions quelque chose et qu’il fallait le faire mieux que les autres ! » – Julien Krief

Vous êtes à la tête de plusieurs projets, de la foncière à l’espace de travail en passant par la plateforme d’investissement.

2 – Quel est le fil rouge sous-jacent à ces modèles aux logiques différentes ?

« Le fil rouge est l’acquisition de projets à valeur ajoutée. En effet, nous achetons du logement haut de gamme pour les transformer en appartement ultra luxe, murs de commerces, et beaucoup de bureaux (via Allday), mais avec toujours la conviction que par notre savoir-faire en rénovation, space planning, notre exploitation et/ou grâce à notre réseau de commercialisation, ce que nous achetons 10 vaut 13 ou 14 moins d’un an après acquisition. Et cela s’est vérifié depuis 15 ans. » – Julien Krief

II. ALLDAY : positionnement et différenciation

ALLDAY propose des espaces de travail flexibles, décrits comme “prêts à travailler». Cependant, l’expérience semble pensée bien au-delà de la fonctionnalité.

3 – Quelle est concrètement la proposition de valeur que vous adressez aux entreprises, au-delà de l’espace ?

« Clairement le marché du bureau opéré ou flexoffice existait avant nous. Mais il est composé : soit de très gros opérateurs qui ont des frais fixes énormes avec des équipes de 60/100/150 personnes (donc les prix de leur bureaux sont très élevés), soit des petits opérateurs qui proposent des surfaces moyennes, avec du mobilier très moyen pour ne pas dire bas de gamme, et des services pas toujours au rendez vous. Quand vous n’avez pas internet pendant 3 jours et qu’on vous dit que “on fait au mieux” ce n’est pas acceptable pour un client et c’est logique.

Nous avons donc choisi de nous positionner sur des adresses top dans le centre de Paris et de nous différencier par la qualité des travaux et du mobilier. Chose que nous pouvons nous permettre car nous sommes les seuls à être propriétaire à 100% de tous nos sites.

Malgré cela, nos bureaux sont toujours moins chers que 70% de nos concurrents alors qu’ils sont honnêtement plus beaux ! » – Julien Krief

Dans votre offre, quatre espaces sont labellisés “Premium”.

4 – Que recouvre cette mention et quelle logique vous a poussé à segmenter vos produits ?

« Bonne question, les premiers sites ont été très bien pensés et rénovés, mais nous avons compris que les clients sont en demande de choses a chaque fois plus qualitatives, plus design, plus esthétiques et plus fonctionnelles. Tous nos sites depuis 2024 entrent donc dans une démarche de rénovation par architecte sélectionné, avec des matériaux très bien réfléchi et un aménagement haut de gamme pour satisfaire les besoins des clients et nous différencier.

Nous nous efforçons de collaborer avec le même cabinet d’architecte pour 3 ou 4 projets puis de changer de partenaire pour proposer toujours quelque chose de nouveau et non standardisé. Toutefois, nos clients retrouvent des éléments Allday qui font notre signature dans chaque bureau, notamment notre système d’éclairage en led suspendu que nous avions voulu changer sur un projet mais nous avons dû y revenir très vite en raison du plébiscite de nos clients ! » – Julien Krief

Vous autorisez la personnalisation des espaces tout en maintenant une cohérence de marque.

5 – Cette possibilité représente-t-elle un facteur clé d’attractivité pour les entreprises ?

« Absolument ! Ce que nous appelons le “pack de bienvenue allday” est hyper important pour nos clients. Ce n’est pas le coût qu’il représente, mais le message qu’il envoie. En effet, les clients ont besoin de se sentir chez eux et la personnalisation (couleurs des murs, vitrophanie, logos en néon, en bois ou en sticker, création de salles dédiées…) est clé, non seulement dans la décision de signer chez Allday mais aussi dans leur souhait de rester.

Nous avons la même approche qu’un hôtel haut de gamme : quand vous êtes reçu avec le sourire, que l’on vous propose un upgrade vers une chambre supérieure et qu’on vous offre un cocktail au bar, vous vous sentez tout de suite chez vous en général. » – Julien Krief

III. Marché et perspectives

Le marché du bureau est en tension, les cycles de location se raccourcissent, et le télétravail rebat les cartes. Selon Immostat, en Île-de-France, le taux de vacance a dépassé les 10% en 2024, un seuil inédit depuis la crise financière de 2008.

6 – Quelle est votre lecture de la demande actuelle ?

« Le taux de vacance global de 10 % est tiré vers le haut par les vastes surfaces vides à La Défense et en périphérie. Lorsqu’on parle de bureaux Paris QCA (quartier central des affaires), et en ce qui nous concerne dans le 10e et le 11e arrondissement, le taux est inférieur à 4%, un niveau historiquement bas.

Il faut donc distinguer un plateau de 3000m2 à Pantin que vous aurez du mal à remplir, ne serait-ce que parce-que les charges sont souvent équivalentes ou supérieures au loyer, d’une surface de 300m2 dans un haussmannien à Paris 9e qui se loue en 15 jours en flex et environ 1 à 2 mois max en 3/6/9.

Non seulement le bureau parisien petites surfaces (<1000m2) est très dynamique, mais il connaît une transformation en passant du 3/6/9 (location vide) vers le flexoffice (qui connait une croissance de 10% par an), ce qui accélère le rythme des prises à bail puisque ces surfaces sont déjà tout équipés et que les clients n’ont pas à attendre 2 mois la réalisation des travaux. » – Julien Krief

Vous êtes présent sur un marché saturé de plateformes d’espaces de travail, qui ne sont cependant pas toujours adaptés aux entreprises.

7 – Qu’est-ce que ALLDAY fait différemment, ou mieux que les autres ?

« Les clients qui sont chez des co workers (we work, morning…) payent 800 à 900 € par poste, avec pas mal de services additionnels. Mais quand une boite commence à être à 25/30/50 personnes, et qu’elle paye entre 50K € et 100K € par mois pour une surface privative minuscule rapportée au poste, elle se dit qu’elle sera plus confortable dans un ALLDAY qui offre une surface privative 2 fois plus grande pour un prix 2 fois plus faible. » – Julien Krief

Contrairement à des acteurs comme WeWork, qui ont adopté un modèle de location à long terme pour sous-louer des espaces de travail, vous avez choisi de rester propriétaire des lieux exploités par ALLDAY.

8 – En quoi cette approche patrimoniale influence-t-elle votre stratégie de croissance et votre positionnement sur le marché du coworking ?

« Excellente question ! En effet nous sommes propriétaire de tous nos sites. Cela présente l’avantage de bâtir une foncière adossée à l’exploitation, pouvoir mettre beaucoup d’argent dans nos travaux et notre mobilier (entre 2500 et 4000€/m2 selon les sites) mais cette stratégie est consommatrice de fonds propres et réduit forcement la vitesse de développement.

Toutefois, en trois ans, nous avons acquis, rénové et loué 25 sites, c’est pas mal pour un “petit groupe”. Mais nous regardons depuis 2025 les sites en tant qu’exploitant seuls ou locataire/exploitant afin de mettre à profit notre expertise et faire grossir la marque. » – Julien Krief

IV. Stratégie & vision à long terme

ALLDAY fonctionne sans levée de fonds et communique peu.

9 – Sans marketing massif, comment faites-vous exister la marque au sein d’un marché aussi concurrentiel ?

« Encore une très bonne question ! Il est certain que nous n’avons pas beaucoup communiqué et commençons tout juste à structurer notre communication et nos actions publiques avec l’aide d’une entreprise spécialisée. Même si l’objectif est que dans 1 à 2 ans, toutes les boîtes de Paris disent “Je veux un Allday”, notre marché ne dépend pas forcément de celui qui parle le plus fort mais de celui qui fait les choses avec le plus de conviction et de sérieux pour développer le bouche à oreille. 

Il n’y a pas de meilleur ambassadeur qu’un client satisfait dans notre secteur. Et la vérité est que nous commençons à envisager la prise à bail car nous avons trois fois plus de demandes que d’offres.

Il est frustrant de répondre à un prospect qui nous appelle avec un beau budget “Désolé je suis full a 100% pendant deux ans”. C’est un bon problème, mais on souhaite élargir l’offre pour cette raison.

Donc nous commençons la com, mais avons surtout un excellent réseau direct ou indirect de sociétés qui sont déjà ou veulent venir en flexoffice, et que notre directeur commercial passe 12h/jour à chouchouter ! » – Julien Krief

Après avoir fondé plusieurs entreprises, dans l’investissement, la détention et maintenant l’usage.

10 – Est-ce qu’un nouveau projet se dessine, ou le défi actuel suffit encore à canaliser vos ambitions ?

« IMMOCOM est à la fois une foncière et une société Marchand de Biens. Notre ADN est donc de faire “circuler” nos actifs. On dit dans notre métier que “qui vend s’appauvrit”. C’est économiquement incontestable puisque les loyers payent les crédits sur 15 ans. Mais ce n’est pas juste si on souhaite aller vite et croître fortement. 

Nous avons donc diversifié en 2023 les projets de marchands de bien en nous orientant vers l’immobilier de luxe à Paris et sur la Côte d’Azur. Ces projets sont très excitants à développer et les marges permettent de financer notamment l’activité long terme (flex office et autre). Nous avons par exemple acheté et revendu en 18 mois une sublime villa avec vue sur Monaco (vente 5M€) et venons de signer la promesse de vente de la seconde qui est presque 3 fois plus importante. 

En matière de bureaux, ce qui se dessine est l’acquisition d’un immeuble en pleine propriété entre 1500 et 2000m2 pour pouvoir y établir un “flagship” ALLDAY ! » – Julien Krief

The New Siècle remercie Julien Krief pour avoir répondu favorablement à notre interview et ainsi livrer sa vision et son expérience à nos lecteurs.

Nom d'auteur Juliette Lamy
Juliette Lamy a fait ses armes dans l’audiovisuel puis à la rédaction de Gala.fr et Webedia. Au sein de The New Siècle, elle orchestre les formats exclusifs : Interview, 1 Min Chrono, Le Versus et Entretien avec l’IA. Quelle que soit la thématique, intelligence artificielle, innovations, gaming, elle traque toujours l’intention. Ce que cela change. Pour qui, et pourquoi. Ses phrases, souvent courtes et rythmées, sont sa signature intellectuelle.
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