
Interview : Cyril Benzaquen – Septuple champion du monde de kick-boxing
À l’âge de 13 ans, Cyril Benzaquen, garçon timide et en surpoids, découvre la boxe et y trouve la résilience qui le mènera jusqu’au sommet pour décrocher au fil des années sept titres mondiaux. Si le ring lui apporte une discipline, très tôt, il choisit aussi de ne pas dépendre uniquement du sport et poursuit en parallèle ses études à Paris-Dauphine. Il fonde en 2017 The Benzaquen Team, une société de production qui inscrit ses combats dans un cadre entrepreneurial. Cet athlète ouvre des portes là où on ne l’attend pas, s’engageant auprès du Téléthon, parrainant l’Institut Rafaël qui accompagne les patients atteints de cancer et prêtant son image à des causes solidaires qui lui tiennent à cœur. Aujourd’hui, à 36 ans, il investit dans des start-ups et prépare l’ouverture d’une salle de boxe connectée.
Lors de cette interview inédite, Cyril Benzaquen a confié dans les colonnes de The New Siècle son regard d’athlète qui passé de la compétition à la production, son désir de démocratiser le kick-boxing à travers la culture, ses projets d’entrepreneur et l’héritage qu’il souhaite inscrire dans l’histoire de son sport.
I. Le champion devenu producteur de ses propres combats
Étudiant à Paris‑Dauphine, vous avez créé en 2015 le Dauphine Boxing Tour, votre premier gala de championnat du monde de kick-boxing qui a réuni près de 800 spectateurs. Plus tard, vous avez choisi de produire vous-même vos combats, négociant salles, droits TV et sponsors via votre société The Benzaquen Team.
1 – Pourquoi avoir pris le risque d’endosser ce rôle de promoteur, alors que vous auriez pu vous limiter à la carrière d’athlète ?
« J’ai pris le risque d’endosser ce rôle parce que j’ai constaté une vraie fracture entre l’univers dans lequel j’évoluais avec la boxe, le kickboxing plus précisément, et celui de mon entourage, de mes amis, notamment à l’université. C’étaient les deux endroits où je passais le plus de temps, la salle de boxe et l’université. Beaucoup de combats, à part certains auxquels je n’étais pas encore convié, se déroulaient dans des écosystèmes où l’événementiel ne prenait pas assez de place. On se concentrait surtout sur la performance, avec des combats de haut niveau, mais souvent dans des salles mal situées, pas toujours à Paris. Il y avait vraiment quelque chose à faire sur la partie entertainment.
Je le ressentais d’autant plus que j’étudiais le marketing. Je voyais tout ce qui se faisait pour mettre en avant un produit, même en dehors du sport. Et à travers les événements que j’ai pu vivre ailleurs, je percevais la différence flagrante entre l’écosystème de l’entertainment dans mon sport et dans d’autres disciplines, ou même d’autres types d’événements.
J’avais le sentiment qu’une voie s’ouvrait, celle de produire des événements jamais vus auparavant. Ça m’a donné envie. Et je pense que c’est ça, l’âme d’entrepreneur. Je ne recevais pas ce à quoi j’aspirais quand je rêvais de devenir champion, d’être sur des gros combats. Dans ma tête, c’était Las Vegas, des shows spectaculaires. Alors, j’ai voulu le créer. C’est cette envie de dessiner sa vie sur mesure qui m’a poussé à sublimer ma carrière d’athlète et à entreprendre pour la rendre plus grande. » – Cyril Benzaquen
The Benzaquen Team organise des galas dans des lieux prestigieux comme le Grand Palais Éphémère ou le Dôme de Paris. En 2022, la société affichait 269 k € de chiffre d’affaires pour 87,5 k € d’EBITDA, avec des événements pouvant générer jusqu’à 700 000 €.
2 – Quels leviers vous permettent de rentabiliser un gala de kick-boxing dans un paysage dominé par le football, le MMA ou l’e-sport ?
« Lorsqu’on organise un gala de kickboxing, les sources de revenus sont assez variées. Il y a d’abord les partenaires qui nous font confiance, des marques que l’on met en avant à travers les différents plans médias, que ce soit la diffusion télé ou toutes les verticales activées pour faire parler de l’événement, et donc de nos partenaires.
Vient ensuite la partie hospitalité, qui a énormément évolué entre mes premiers événements et les plus récents. On pousse désormais le curseur très loin, en proposant des expériences clients haut de gamme. On aime mêler d’autres univers pointus, comme la haute gastronomie, et s’inspirer de ce qui se fait dans d’autres disciplines. Un peu comme quand vous allez au stade avec des places premium ou sur un Grand Prix de Formule 1, avec une expérience évidemment différente de celle d’une place standard.
S’ajoutent enfin la billetterie classique ainsi que les subventions régionales destinées à développer l’écosystème du sport en Île-de-France. Et pour compléter, il y a une part de droits télé. » – Cyril Benzaquen
Vos galas réunissent déjà entre 3 000 et 4 000 spectateurs, et vous souhaitez exporter ce format à Monaco, Dubaï ou encore Miami.
3 – Quelle est votre stratégie pour passer d’une vitrine événementielle à véritable acteur international du sport et du divertissement ?
« La stratégie repose sur la création d’un rendez-vous annuel fort. L’idée, c’est d’avoir une date fixe ou presque, un événement qui s’impose dans le calendrier et qui rassemble des acteurs venus d’univers reconnus à l’international.
Le kickboxing reste une niche, donc pour toucher un public plus large, il faut s’inspirer de modèles déjà installés. Le football américain, par exemple, est un superbe cas d’école. C’est un sport extrêmement populaire aux États-Unis, mais il a su avoir un impact mondial grâce à la coupure du Super Bowl et à ses artistes incroyables. Ici en France, un néophyte comme moi entend davantage parler des prestations de Shakira ou de Dr. Dre que du match lui-même. Ces moments-là ont permis de démocratiser le football américain et la marque Super Bowl.
Nous, on se reconnaît davantage dans ce type de stratégie, fondée sur l’entertainment et l’ouverture culturelle, que dans un modèle purement marketing comme celui du MMA avec l’UFC. » – Cyril Benzaquen
II. Quand le ring dialogue avec la culture
Vous êtes mannequin pour l’agence Elite et avez collaboré avec Fendi, Louboutin, Versace ou Jean-Paul Gaultier. Un de vos peignoirs de ring a même été désigné par Chanel.
4 – Qu’espérez-vous éveiller auprès de ces maisons de luxe qui, jusque-là, n’avaient jamais porté attention au kick-boxing ?
« Là encore, c’est venu d’un positionnement assez naturel. J’ai eu la chance de rencontrer Jean Paul Gaultier grâce à des amis communs, et on s’est vite rendu compte que nos valeurs se rejoignaient. L’idée, c’était de me positionner, moi, en tant qu’athlète représentant un beau sport, le kickboxing, au même niveau qu’une maison de couture comme Jean Paul Gaultier.
Se placer à la même hauteur qu’un acteur reconnu dans son écosystème, et même au-delà, c’était un vrai signal. Jean Paul Gaultier est respecté par ses pairs mais aussi connu du grand public, parce que sa marque parle à tout le monde. Moi, dans mon cas, j’étais reconnu par les gens du milieu, mais pas encore connu du grand public.
Collaborer avec ces maisons, c’est donc une manière de créer des passerelles entre univers d’excellence, entre professionnels qui partagent le même niveau d’exigence. Leur aura m’aide à faire rayonner ce sport que j’aime, et à le faire connaître à un public plus large. C’était déjà le sens de cette rencontre avec Jean Paul Gaultier, et plus récemment de notre collaboration avec les ateliers de Chanel, qui nous ont imaginé un peignoir exceptionnel. » – Cyril Benzaquen
Ce sport souffre encore d’un manque de visibilité, en témoigne son absence des Jeux olympiques. Vous, au contraire, semblez déterminé à le faire rayonner. En mai 2025, vous avez associé un concert de rap à un championnat du monde au Palais des Sports de Levallois.
5 – En quoi ce type de partenariats artistiques contribue-t-il à redessiner l’image du kick-boxing en France ?
« Dans la même logique que ce que j’évoquais à propos des marques de mode, on assiste aujourd’hui à un vrai essor du rap. Le rap moderne est bien plus populaire que celui, plus urbain, d’il y a quinze ou vingt ans, quand j’ai commencé le sport. Cette culture reste liée à la banlieue, donc à des disciplines comme la boxe ou le kickboxing, qui sont nobles mais souvent perçues comme des sports de quartier.
L’idée, c’était de créer un pont entre ces artistes et notre univers, parce qu’ils sont naturellement sensibles à l’art de la boxe, un art qui a souvent bercé leur enfance. Cela nous permet d’ouvrir notre sport à d’autres horizons, de le relier à la musique, à la culture, et de toucher un public beaucoup plus large. La dernière collaboration avec Gazo illustre parfaitement cette vision. Elle a permis de rassembler des gens venus autant pour l’artiste que pour le sport, autour d’une même énergie, d’un même moment. » – Cyril Benzaquen
III. Un entrepreneur qui vise plus grand
En 2025, vous vous êtes associé à Armand Taïeb (Fuxia) et Jérémy Zag (Miraculous) pour lancer une salle de boxe connectée à Paris. L’objectif : 300 à 400 000 € de chiffre d’affaires dès la première année et une dizaine de clubs d’ici 2035.
6 – Quelles expériences inédites proposerez-vous à vos adhérents ?
« L’idée de cette salle de sport, et de la duplication de ces salles, va être de proposer des expériences immersives tout en gardant l’ADN performance de la boxe. On voit qu’il y a une vraie démocratisation de la pratique, parce que la condition physique que donne un entraînement de boxe est bénéfique pour tout le monde et surtout ludique. C’est parfois plus sympa de faire de la boxe que de courir sur un tapis.
Ce qui est intéressant, et même un peu intrigant, c’est qu’en boxe, le fait de boxer vous plonge dans un focus que vous ressentez très rarement dans d’autres sports. En plus, vous avez les mains prises, donc vous êtes vraiment en immersion, et vous développez vos capacités de concentration. Vous devez aussi apprendre à réagir vite, parce que personne ne veut prendre de coups. Cela vous place dans des situations de stress qui deviennent presque endorphiniques. Beaucoup de passionnés s’y mettent d’ailleurs sur le tard, souvent via des salles privées.
Nous, dans notre concept, on veut simplement ajouter une dimension plus digitale que ce qui existe actuellement sur le marché. Et avec mon expérience de champion, proposer des programmes capables de mêler loisir et ADN performance. » – Cyril Benzaquen
Le marché français du fitness pèse aujourd’hui plus de 2,4 milliards d’euros et reste dominé par des géants comme Basic-Fit ou Fitness Park. Vous vous lancez pourtant avec un concept premium et connecté.
7 – Qu’est-ce qui vous a convaincu qu’il y avait encore de la place pour un nouvel acteur sur ce marché ?
« C’est un marché en croissance, d’environ 10 % par an. Si on regarde nos voisins anglais, on s’aperçoit qu’il y a des salles tous les cinquante ou cent mètres. On en est encore très loin. Je pense donc qu’il y a vraiment de la place. Je me souviens d’un ami qui avait monté une belle chaîne de restaurants, Bagelstein. Il m’avait dit que l’important n’était pas d’être le premier sur un marché, mais d’arriver avec un système bien pensé et une exploitation parfaite. La restauration est sans doute un secteur encore plus concurrentiel, et pourtant on voit encore des restaurants ouvrir et très bien fonctionner.
Je ne vois pas le fait d’arriver dans un marché déjà établi comme un frein. Au contraire, on connaît mieux les cibles, mieux les habitudes de consommation, et il ne reste plus qu’à offrir un opérationnel de qualité pour répondre à la demande. » – Cyril Benzaquen
IV. Un héritage à construire
Sept titres mondiaux, des ceintures alignées comme les trophées d’une vie déjà accomplie. Beaucoup auraient rangé les gants sur cette glorieuse image.
8 – Qu’est-ce qui vous empêche de refermer le chapitre et vous ramène inlassablement sous les projecteurs du ring ?
« Je pense que c’est tout simplement la passion. Et puis le fait de m’entraîner chaque jour, même à mon âge, me donne encore ce sentiment de progression. Je n’ai pas envie de refermer la page au milieu d’un chapitre qui continue d’avancer. J’ai le sentiment de ne pas avoir encore atteint mon meilleur niveau.
La passion me pousse à avoir de nouvelles envies, toujours autant d’appétit pour la compétition et pour la construction de nouveaux projets. C’est peut-être un besoin de reconnaissance éternelle, ou simplement l’adrénaline que tout cela procure. C’est un mélange de tout ça, lié au bonheur que me donne ce sport.
Je ne me sens pas enfermé, au contraire. Je reste acteur, et je prends du plaisir à monter sur le ring. Tant que je suis en forme et que j’ai cette envie, je continuerai. Quand on a la forme et l’envie, il ne faut pas se priver de ce qui fait du bien. » – Cyril Benzaquen
Vous avez déclaré vouloir boxer jusqu’à 40 ans avant de vous consacrer pleinement à l’entrepreneuriat et à l’investissement.
9 – Quels écosystèmes ou mentors vous inspirent pour réussir cette transition ?
« Bien sûr, il y a des figures qui m’inspirent. Je pense notamment à Michael Jordan, que je considère comme l’un des plus grands athlètes du XXe siècle. Il a marqué son sport, le basket, par la performance, mais aussi par la dimension économique qu’il a su développer avec la marque Jordan. J’admire aussi des parcours comme celui de David Beckham.
Mais au-delà de ces grands noms, mes véritables sources d’inspiration viennent souvent de mon entourage. Le fait d’avoir étudié à Dauphine, d’avoir appris l’entrepreneuriat et de le vivre au quotidien m’a permis de rencontrer beaucoup d’entrepreneurs à succès qui sont devenus des amis. Voir des gens passionnés créer, bâtir, ça me fascine. Je me nourris de leur énergie et ça me donne de la force pour mes propres projets.
Ce qui me motive, c’est la création. Quand je monte un événement, tout part d’une simple date, d’un combat à organiser, et je dois tout construire autour. C’est le même moteur dans mes projets actuels. Ce qui me fait vibrer, c’est partir de rien, bâtir quelque chose, apporter du changement dans la vie des gens et dans l’écosystème. Arriver avec un système de valeurs qui a de l’impact, c’est vraiment ça qui m’anime. » – Cyril Benzaquen
The New Siècle remercie Cyril Benzaquen d’avoir répondu à notre interview et ainsi partager sa vision et son expérience à nos lecteurs.

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