L’entreprise qui fait briller la mémoire

L’idée est née d’un drame personnel. La PDG et co-fondatrice d’Eterneva, Adelle Archer, a perdu sa mentore en affaires, Tracey Kaufman, emportée par un cancer du pancréas. Devenue gardienne de ses cendres, elle a voulu trouver un moyen juste d’honorer sa mémoire. Au fil de cette quête, elle a rencontré un scientifique spécialisé dans les diamants qui lui a expliqué qu’à partir du carbone des cendres, il était possible de créer une pierre véritable. Une révélation. 

En souvenir de cette histoire fondatrice, Adelle Archer et son associé Garrett Ozar accompagnent depuis 2017 les familles dans la création de diamants commémoratifs, pensés comme des liens tangibles entre passé et présent. Sur le site, les proches choisissent la couleur et la forme du diamant avant d’envoyer une demi-tasse de cendres ou une tasse de cheveux ou de fourrure. Certains ajoutent aussi des objets chargés d’émotion (une carte, un vêtement, un jouet, une laisse…). Le prix varie selon la taille et la teinte, de 3 499 $ à 73 000 $ (environ 3 000 € à 62 600 €).

Du laboratoire à la vitrine, quand le design sublime l’absence

Alors, comment se déroule le processus de fabrication ? Les cendres ou cheveux sont placés dans un creuset en graphite afin d’en extraire le carbone, puis convertis en graphite pur. Grâce à la technologie HPHT (Haute Pression, Haute Température), ce carbone se cristallise en diamant, mêlé à une faible part de carbone générique. Chaque transformation demande du temps, entre sept et douze mois.

Lorsqu’elle est encore brute, la pierre passe sous l’œil des techniciens qui en scrutent la matière. Ils en mesurent la densité et suivent les lignes internes, déterminant ainsi l’axe de croissance du cristal pour orienter la taille avec précision. Cette lecture détermine le geste du tailleur, l’endroit précis où la lumière commencera à se réfléchir… Ils peuvent ensuite y apporter une couleur, bleu, jaune, vert, rouge, rose ou noir. Le bleu naît d’un azote résiduel, le rose d’une tension cristalline, le vert de fines traces de nickel. 

Une partie du travail s’effectue aux États-Unis, une autre à Anvers, en Belgique, où des artisans partenaires assurent la coupe et le polissage. Ce dernier, encore manuel, confère au diamant une dimension presque joaillière, entre précision scientifique et geste d’atelier. Le diamant n’est plus un simple produit de laboratoire mais un objet conçu à la croisée de la science et du design.

Le marché des diamants commémoratifs en plein essor

La transformation des cendres en diamant n’est pas une nouveauté. Elle a été introduite en 2002 par l’entreprise américaine LifeGem. D’autres ont émergé, Algordanza, EverDear, Lonité, DNA-Diamonds… En pleine expansion, le marché du diamant commémoratif pourrait passer de 1,2 milliard USD en 2024 à 3,5 milliards USD en 2033. Porter un bijou symbolique de deuil est une coutume populaire en Amérique du Nord, où la crémation est une technique funéraire dominante. Ce type de mémorial intéresse le marché européen, partagé entre funérailles classiques et solutions commémoratives innovantes. En revanche, côté Asie, tradition et superstition d’une vie après la mort rendent le marché timide. 

L’intérêt pour ces diamants ne tient pas seulement aux différences culturelles, mais aussi à une évolution générationnelle. Les bijoux avec une forte valeur symbolique touche les Millenials et la génération Z en plein cœur, à l’instar des bijoux contemporains de Sophie Bille Brahe ou de Van Cleef, qui traduisent un attachement plus intime à la matière qu’à la valeur. Ces générations recherchent moins l’ornement que le sens, préférant un objet porteur d’histoire à une pièce d’apparat. Le diamant commémoratif s’inscrit dans cette logique émotionnelle, entre lien et trace, où le bijou devient prolongement d’une présence plutôt qu’affirmation d’un statut.

Eterneva fait partie de ces entreprises du futur qui associent technologie et émotion, avec une touche de design. Ses diamants traduisent les moments forts et la personnalité de l’être aimé dans un bijou pensé pour durer. En réinventant la manière dont on transmet la matière, l’entreprise texane interroge aussi le rôle de l’objet dans nos rituels contemporains. Une zone grise où l’innovation avance sur un terrain fragile, celui de l’éthique et de la pudeur.

Nom d'auteur Mélanie Domergue
Mélanie Domergue, journaliste et rédactrice, s'intéresse aux grandes mutations de notre société à travers le prisme des innovations technologiques et des startups. Profondément attachée au Sud de la France, elle a débuté en presse quotidienne régionale (Midi Libre, Vaucluse Matin, Dis-Leur…) avant de publier son premier roman, Isolée, révélant son amour des mots. Pour The New Siècle, elle explore les transformations avec curiosité, toujours guidée par une même question : quel monde se prépare demain ?
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