
Éric Larchevêque, bâtisseur de Ledger et visionnaire de la révolution crypto
Éric Larchevêque n’a jamais aimé les chemins balisés. En 2014, fasciné par le potentiel du Bitcoin naissant, il cofonde à Paris La Maison du Bitcoin, devenue plus tard Coinhouse, tout premier espace physique européen dédié aux crypto-monnaies, ainsi que Ledger, une start-up de wallets sécurisés. Sous son impulsion, Ledger s’impose comme leader mondial de la sécurité crypto, écoulant des millions de portefeuilles et rejoignant le cercle des licornes françaises. Depuis 2019, il a pris du recul, sans jamais s’arrêter. Investisseur et mentor, il soutient les jeunes pousses au sein du Day One Entrepreneurs Club et partage sa vision dans l’émission Qui veut être mon associé ?. Fidèle à ses racines, il s’engage aussi pour redynamiser sa ville natale de Vierzon où il a lancé un incubateur avec le Crédit Agricole et les collectivités locales. Personnalité aussi humble que passionnée, ce pionnier de la crypto n’hésite pas à défendre ses convictions, quitte à bousculer le modèle établi. En témoigne The Bitcoin Society, son tout nouveau projet dévoilé le 24 novembre 2025, lancé aux côtés de Tony Parker.
Dans cette interview exclusive, The New Siècle est revenu avec Éric Larchevêque sur un parcours d’entrepreneur hors normes, des premiers succès aux débuts de Ledger, sur sa volonté de rendre la crypto à la fois plus accessible et plus sûre, sur les défis d’un secteur en perpétuelle effervescence, son rôle de mentor-investisseur auprès de la nouvelle génération et sa vision engagée de l’avenir de la finance décentralisée.
I. Du web à la révolution crypto
Entre 1998 et 2007, vous revendez votre start-up Montorgueil pour 22 millions d’euros et vous lancez un hôtel en Lettonie, tout en faisant un passage par le poker professionnel.
1 – Comment ces expériences aussi variées qu’inattendues ont-elles façonné votre approche d’entrepreneur, au point de vous mener quelques années plus tard vers l’univers du Bitcoin ?
« Chaque aventure a été une école différente : Montorgueil m’a appris la croissance et la structuration, le poker m’a appris la gestion du risque et à mieux me connaître émotionnellement, et mon hôtel le fait qu’il est parfois plus facile d’écrire des lignes de codes que de construire dans le dur ! Mais surtout, ces expériences m’ont bien fait comprendre que le succès ne vient jamais d’une bonne idée, mais de la capacité à agir, décider et passer à l’action même dans l’incertitude.
Ironiquement, ce ne sont pas ces expériences entrepreneuriales qui m’ont amené au Bitcoin, mais des revers personnels liés au système financier classique : par deux fois j’ai vu mes actifs vaciller ou disparaître. La première fois lorsque ma banque m’a viré et a refusé de me rendre mes quelques lingots d’or résultats de mes premières années de travail, et la seconde lorsque ma nouvelle banque a fait faillite, entraînant dans sa chute ce qui restait de mes économies.
Lorsque j’ai découvert le Bitcoin en 2013 et compris qu’il représentait non seulement une alternative à la politique monétaire délirante des banques centrales mais aussi la possibilité de conserver ses actifs en toute souveraineté, je n’ai pas hésité longtemps à y mettre l’ensemble de mes liquidités. » – Éric Larchevêque
Coinhouse, que vous ouvrez en 2014, est alors le tout premier espace physique européen dédié aux crypto-monnaies. Cette année-là, la valeur du Bitcoin s’est effondrée après la faillite de la plateforme MtGox et l’actif est resté cantonné à une niche technologique encore méfiante.
2 – Qu’est-ce qui, à ce moment précis, vous a fait pressentir que les cryptomonnaies portaient en elles un véritable potentiel d’avenir ?
« Lorsque j’ai ouvert la Maison du Bitcoin, j’étais déjà entièrement convaincu par cette révolution à la fois monétaire et technologique. Le krach qui est arrivé plus au moins au même moment ne m’a en aucun cas dévié de ma trajectoire. Ma conviction était inébranlable, et je n’ai vu là qu’une première épreuve difficile mais transitoire.
En 2018 et en 2022, les crises ont été encore plus sévères. Mais à chaque fois Bitcoin s’est relevé et est revenu plus fort. Dans un monde qui a abandonné toute discipline monétaire, je n’ai jamais douté que la rareté algorithmique de Bitcoin faisait de lui un actif séculaire. » – Éric Larchevêque
II. Transmettre et investir
Depuis 2020, vous participez à l’émission « Qui veut être mon associé ? » sur M6, aux côtés notamment de Jonathan Anguelov, arrivé récemment. Dès la première saison, vous aviez misé 590 000 € sur vos fonds personnels, devenant l’un des investisseurs les plus actifs du programme.
3 – Qu’est-ce qui vous a poussé à endosser ce rôle d’investisseur à la télévision ?
« Dès que j’ai entendu parler de l’émission, j’ai souhaité y participer. Il y avait deux raisons principales à cela : la première était que j’y voyais la possibilité de redonner ses lettres de noblesse à l’entrepreneuriat et surtout de réconcilier les français avec la notion de succès et d’argent. La seconde était tout simplement que je n’avais jamais eu l’occasion de faire de la télévision et j’étais certain que je trouverai cette expérience amusante !
Je viens de terminer le tournage de la 6e saison. L’émission est un véritable succès qui s’inscrit dans la durée, et je suis très heureux de toujours en faire partie. Chaque année, nous mettons en lumière des entrepreneurs qui viennent de toute la France, toute classe sociale et tous horizons. Le programme permet de montrer que tout le monde peut devenir entrepreneur à force de travail et de persévérance, sans prérequis particulier, même si l’entrepreneuriat n’est pas fait pour tout le monde. Et cerise sur le gâteau, il participe fortement à l’éducation financière des français !
Suivre l’émission, c’est déjà comprendre la notion d’entreprise, de valorisation, de chiffre d’affaires, de marge et de profit. À une époque où les décideurs publics semblent déconnectés des réalités économiques, il est salutaire que les Français puissent monter en compétence sur ces sujets. » – Éric Larchevêque
En dehors des plateaux TV, vous avez été l’un des tout premiers business angels à croire en Alan, l’assurtech française aujourd’hui valorisée 4 milliards d’euros.
4 – Comment reconnaissez-vous un projet capable de durer, au-delà de la simple promesse d’innovation ?
« La clé n’est pas d’évaluer le projet ou le produit, mais la pertinence de l’équipe. Est-ce qu’ils ont déjà une première expérience entrepreneuriale ? Est-ce qu’ils ont la résilience nécessaire pour garder le cap pendant les 10 ou 20 prochaines années ? Est-ce qu’ils ont suffisamment de discipline pour garder le focus indispensable à la réussite ? Et enfin, est-ce qu’ils ont le bon équilibre entre un égo important (sans lequel rien ne se fera) et une bonne dose d’humilité (sans laquelle rien ne durera). » – Éric Larchevêque
En 2023, vous ouvrez le B³ Village by CA, un incubateur de start-up à Vierzon, votre ville natale. Ainsi, vous inversez la logique habituelle, l’innovation quitte les capitales pour revenir aux territoires.
5 – Pensez-vous que l’avenir de la tech française passe justement par cette décentralisation ?
« Il faut sortir du tout parisianisme technologique. L’innovation naît aussi dans les territoires, et je souhaitais pouvoir mettre ma visibilité et mon enthousiasme au profit du mien : la ville de Vierzon. Y créer un incubateur (avec le Crédit Agricole Centre Loire et la Communauté de Communes Vierzon-Sologne-Berry) était un moyen de poursuivre la belle histoire locale de Ledger. La décentralisation est autant un choix économique qu’un choix de société. Elle est totalement cohérente avec ma vision du Bitcoin : redistribuer le pouvoir, plutôt que le concentrer. » – Éric Larchevêque
III. Convictions sur l’avenir de la tech
Vous vous êtes élevé en 2025 contre le projet de taxe Zucman (imposant 2 % annuels sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros), déclarant que « presque tous les entrepreneurs songent à un départ [de France] » dans un tel contexte.
6 – Qu’est-ce qui devrait changer, ou au contraire être préservé, pour concilier l’attrait entrepreneurial et le modèle français ?
« La France est un des pays les plus taxés au monde et peut se targuer d’avoir le coût du travail le plus élevé en Europe. Les entrepreneurs sont exsangues, perçus par l’exécutif comme la dernière vache à lait qu’ils peuvent traire. Alors que le pays est techniquement en faillite et continue d’hypothéquer son avenir via une dette devenue incontrôlable, le seul discours ambiant est de taxer et réguler encore plus.
Le modèle français est déjà techniquement en faillite et le seul moyen d’empêcher sa disparition totale est justement de redonner du souffle aux entreprises et aux entrepreneurs. Il faut redonner envie d’investir et créer de la valeur et pour cela, la seule solution est une baisse drastique de la fiscalité.
Il faut une approche radicale : suppression totale des niches fiscales, instauration d’une flat taxe unique de l’ordre de 15-20%, rendre l’intégralité du salaire brut aux salariés et insuffler un choc extrême de simplification administrative. Il faut couper toutes les aides, y compris celles aux entreprises, et, entre autres, imposer une cure d’austérité à tous les niveaux des dépenses périphériques de l’État pour se concentrer sur ses piliers régaliens, incluant la santé et l’éducation.
Ce serait bien évidemment douloureux et une partie de plaisir pour personne. Mais si on ne veut pas se retrouver sous tutelle du FMI dans 5 ans et connaître la fin de la nation France telle que nous la connaissons, une politique courageuse, prête à faire primer le futur sur le présent, est indispensable. » – Éric Larchevêque
Vous décrivez le Bitcoin comme « l’une des rares solutions concrètes pour protéger son patrimoine et affirmer sa souveraineté financière » face aux dérives du système actuel.
7 – À l’heure où les États préparent leurs propres monnaies numériques, quel rôle les cryptomonnaies décentralisées peuvent-elles jouer pour préserver la liberté financière ?
« Les monnaies numériques de banques centrales (MNBC) ne sont en rien une innovation, mais une centralisation technologique totale du contrôle. Elles permettront de suivre chaque transaction, d’imposer des taux d’intérêts négatifs, voire de bloquer des paiements “non conformes”. C’est d’ailleurs ce que l’on observe en Chine : vous avez publié un commentaire critique du gouvernement ? Votre droit à acheter des billets d’avion est supprimé.
Le Bitcoin à l’inverse est une monnaie complètement libre de toute pression politique ou partisane, et peut être utilisée en toute indépendance, avec une résistance totale à la censure. C’est une véritable soupape démocratique, une assurance contre l’arbitraire. Avec l’arrivée probable des MNBC, Bitcoin va donc prendre un rôle encore plus important dans la préservation de la liberté financière et de la souveraineté personnelle du citoyen. » – Éric Larchevêque
Pour conclure, vous avez dévoilé le 24 novembre 2025 un nouveau projet entrepreneurial : The Bitcoin Society (TBSO), issue de la transformation d’une société déjà cotée en une Bitcoin Treasury Company combinée à une network society, proposant un réseau, un accompagnement et un modèle d’investissement principalement centrés sur Bitcoin.
8 – Concrètement, qu’est-ce que vous apportez au monde entrepreneurial que personne n’avait réussi à créer jusqu’ici ?
« La mission de TBSO est de favoriser la création de valeur par l’entrepreneuriat, seule façon de créer de la prospérité à long terme. Pour y arriver, il est nécessaire d’influer sur les différents débats publics, économiques et politiques, en France et ailleurs, pour simplifier les normes, la régulation, les lois et la fiscalité.
Pour être entendu dans ces débats et obtenir des résultats concrets, un des moyens est d’avoir une assise économique ou financière importante. Nous avons donc décidé de mettre en place une stratégie de Bitcoin Treasury Company, et nous avons pour objectif d’accumuler un trésor important en levant des fonds via les marchés de capitaux.
D’autre part, TBSO a créé une network society, qui est une approche nouvelle d’influence collective. Une fois les bonnes conditions réunies, nous allons agréger les forces économiques recensées de ses membres (entreprises, patrimoines) et les adosser à son trésor en bitcoins afin d’obtenir un poids économique global qui permettra de peser dans les débats publics internationaux.
C’est cette combinaison particulière d’une stratégie d’accumulation de bitcoins mise au service d’une network society, le tout coté en bourse qui est novateur. Le projet trouvera toute sa puissance dans le long terme. » – Éric Larchevêque
The New Siècle remercie Éric Larchevêque d’avoir répondu à notre interview et ainsi partager sa vision et son expérience à nos lecteurs.
Les + vues
Inscrivez-vous !
INSCRIVEZ-VOUS À
NOTRE NEWSLETTER !
![]()
Renseignez votre adresse mail
pour recevoir nos nouveautés
et rester informé de nos actualités.
Top Mots Clés :
Laisser un commentaire