
Les crypto privées, nouvelle ombre de la finance numérique
À l’origine, le Bitcoin a été créé avec une promesse de transparence, de décentralisation et de traçabilité. L’Ethereum, lui aussi, affiche toutes les transactions sur sa blockchain publique. C’est le cas de beaucoup de blockchain… Mais d’autres cryptomonnaies, elles, ont pris le parti de l’exact opposé. Elles s’appellent Monero, Zcash ou encore Secret Network et parient sur l’anonymat en blockchain comme argument de vente. Depuis 2020, elles prennent de plus en plus de place dans l’univers des cryptos, pendant que les régulateurs du monde entier commencent à s’en inquiéter sérieusement. The New Siècle vous décrypte ce virage.
Les crypto privées, un bouclier numérique pour les utilisateurs
Avant toute chose, il faut savoir que le Bitcoin est une blockchain dite “publique”. Son fonctionnement est simple : chaque utilisateur a la possibilité de se créer une clef publique (portefeuille) et une clef privée (jouant le rôle de mot de passe pour contrôler le portefeuille et identifier son propriétaire). Avec ces deux éléments, il peut effectuer des transactions sur la blockchain. Le montant des transactions, le portefeuille qui envoie et celui qui reçoit sont donc connus ; il est ainsi impossible de falsifier une transaction une fois qu’elle est inscrite sur la blockchain. Mais pour retrouver l’identité de l’expéditeur, il faut la clef privée.
Les crypto dites “privées”, elles, ne fonctionnent pas de cette manière. Elles appliquent des protocoles d’anonymisation qui rendent toute traçabilité impossible. Monero utilise ce qu’on appelle des “Ring Signatures”, un système qui mélange plusieurs signatures pour masquer la réelle origine d’un transfert sécurisé. Zcash s’appuie sur les zk-SNARKs, des preuves cryptographiques qui valident une transaction sans révéler son contenu. Secret Network, lui, chiffre les données directement sur la blockchain, ainsi, même les smart contracts restent confidentiels.
Ce nouveau type de blockchain a pour origine un besoin concret de protéger sa vie privée numérique, dans un monde où chaque clic laisse une trace. Prenons pour exemple Monero, qui s’est imposé comme la référence avec plus de 18 millions de tokens en circulation sur sa blockchain. Elle a développé une communauté très active, qui défend la confidentialité comme un droit fondamental. Ainsi, ces transactions confidentielles garantissent qu’aucun regard extérieur ne peut reconstituer l’historique financier d’un individu.
Une économie parallèle entre innovation et soupçon
Mais cette opacité est à double tranchant. Les crypto privées ont bâti un écosystème alternatif qui échappe aux radars des autorités financières. Elles facilitent l’échange d’actifs sans laisser de preuve. Un monde si opaque que le blanchiment d’argent trouve dans ces monnaies un allié de taille : le chemin des fonds devient invisible. En 2024, Chainalysis estimait que 0,15 % des transactions en crypto privées étaient liées à des activités illicites, un chiffre qui semble modeste mais qui représente plusieurs milliards de dollars.
Les États ne savent plus comment réagir. La Corée du Sud a banni Monero et Zcash de ses plateformes d’échange en 2021. Le Japon a suivi la même direction. L’Union européenne envisage d’imposer des règles KYC (Know Your Customer) même pour les portefeuilles privés, ce qui, en réalité, viderait ces cryptos de leur essence. De quoi soulever les foules parmi les partisans des crypto privées, qui sont contre la surveillance généralisée et s’en servent pour reconquérir leur droit à la vie privée. Ainsi, le débat dépasse la simple régulation financière. Il touche à la gouvernance décentralisée des cryptomonnaies, dont la raison d’exister repose sur le principe selon lequel aucune autorité centrale ne devrait contrôler la monnaie. Mais leurs détracteurs pointent du doigt une zone de non-droit…
La question de la sécurité dans les cryptos se pose de plus en plus, même sur le plan géopolitique. On a le cas par exemple de la crypto entreprise Worldcoin, qui utilise l’iris pour vérifier l’identité des utilisateurs. Un projet ambitieux qui se heurte actuellement à des résistances politiques de plusieurs pays…
Vers un futur de la crypto plus confidentiel ou plus surveillé ?
Alors que la popularité de ces cryptos augmente, les régulateurs affûtent leurs armes. Le Financial Action Task Force (FATF) pousse pour une interdiction pure et simple des crypto privées dans certaines juridictions. D’autres pays préfèrent intégrer ces monnaies dans un cadre légal strict avec identification obligatoire (toujours le KYC notamment en Europe). Mais comment tracer ce qui a été conçu pour être intraçable ? La scalabilité du système blockchain pourrait permettre de créer des solutions hybrides, mi-publiques mi-privées, mais personne ne sait encore si cela fonctionnera.
Deux visions s’affrontent. D’un côté, les défenseurs de la vie privée numérique qui considèrent que le droit à la confidentialité financière n’est pas négociable. De l’autre, ceux qui estiment que la sécurité collective passe par la transparence. Entre les deux, les cryptos innovantes tentent de trouver un équilibre.
Le paradoxe reste entier. Les crypto privées sont nées pour protéger les individus contre la surveillance, mais elles finissent classées comme menaces par les mêmes institutions qui justifient cette surveillance. Si elles disparaissent sous la pression réglementaire, que restera-t-il de l’idée originelle du Bitcoin, celle d’une monnaie libre de toute tutelle ? Et si la vraie bataille de l’économie digitale n’était pas celle de la monnaie, mais celle des droits que nous acceptons de céder en échange d’une sécurité promise ? La réponse viendra peut-être de la communauté elle-même, celle qui continue à coder, tester et faire vivre ces protocoles.
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