
Face à l’ère de l’IA, Vincent Ducrey prône la triple accélération
De la start-up à la sphère publique, du numérique à la RSE, Vincent Ducrey relie les mondes pour accélérer celui des entreprises. En 2000, il crée NetEvent Solutions, sa première entreprise, avec l’ambition de digitaliser les salons professionnels à une époque où tout restait encore papier. Après avoir revendu sa participation, il rejoint le gouvernement français de 2007 à 2012 comme conseiller du numérique auprès de plusieurs ministères et fonde le tout premier « Club des Conseillers Numériques » gouvernemental. En 2012, il change d’échelle et cofonde le HUB Institute, un think tank international basé à paris dédié à l’IA, à la transformation digitale et au développement durable des organisations. Président du Paris Economic Forum et fondateur de la Paris School of Impact, une formation en management de la RSE, Vincent Ducrey aide les entreprises et les organisations à réussir leur accélération. Auteur de plusieurs ouvrages de référence et Chevalier des Palmes académiques, il s’impose comme l’une des voix les plus écoutées de la transformation à la française.
Dans cet entretien exclusif, The New Siècle a exploré avec Vincent Ducrey les choix qui ont façonné le HUB Institute, la nécessité d’une double vision (digital et durable) pour les entreprises, le rôle de l’éducation dans ces transformations, ainsi que les enjeux de gouvernance et d’indépendance à l’heure de l’IA et des partenariats publics-privés.
I. Du service public à l’entrepreneuriat d’influence
De 2007 à 2012, vous êtes conseiller numérique auprès du gouvernement français (ministères de l’Industrie, de l’Éducation…).
1 – Quelle vision du numérique cette immersion dans le public vous a-t-elle apporté ?
« Cette expérience m’a permis de comprendre et de vivre de l’intérieur les contraintes, les rythmes et les responsabilités de l’administration publique et d’un gouvernement. J’y ai vu à quel point le numérique pouvait devenir un levier stratégique pour moderniser l’État, simplifier la vie des citoyens et renforcer la souveraineté.
J’ai également appris à naviguer dans des écosystèmes complexes, réunissant administrations, entreprises et experts pour accélérer des projets structurants. Cette capacité à relier des mondes différents est devenue un fil conducteur de mon action : orchestrer la complexité. » – Vincent Ducrey
En 2012, vous cofondez le HUB Institute, think tank parisien consacré à l’IA, à la transformation numérique et au développement durable. Aujourd’hui, il fédère environ 90 000 décideurs et plus de 120 entreprises membres.
2 – Quel besoin spécifique du marché cherchiez-vous à combler en lançant ce think tank international ?
« En 2012, les organisations manquaient d’un lieu neutre, international et indépendant pour comprendre l’impact des innovations et anticiper les transformations à venir. Le marché était saturé d’informations mais pauvre en décryptage stratégique et en vision intégrée entre digital, IA et développement durable.
Le HUB Institute a été conçu comme une plateforme d’inspiration, de prospective et de montée en compétence pour les dirigeants. L’idée était de créer un espace capable d’accélérer l’action autant que la compréhension. » – Vincent Ducrey
Sur votre site, le HUB Institute se décrit comme un « tiers de confiance pour les dirigeants ».
3 – Quelle est, selon vous, la valeur ajoutée d’un think tank comme le HUB Institute par rapport aux cabinets de conseil ou aux grands groupes technologiques ?
« Nous offrons une vision transversale, non limitée par un portefeuille technologique ou un modèle de facturation horaire. Le HUB Institute associe recherche, contenus, événements, benchmarks et accompagnement stratégique via la formation et le conseil, ce qui permet d’éclairer les décisions des dirigeants avec une perspective plus large.
Nous travaillons en proximité avec les organisations tout en gardant une distance critique et une forte exigence de neutralité. Notre rôle est d’aider les leaders à prendre les bonnes décisions au bon moment, avec des insights réellement actionnables. » – Vincent Ducrey
II. Penser et orchestrer la transformation
Votre dernier livre, Comment réussir votre stratégie de triple accélération (2024), affirme que « toutes les grandes entreprises sont confrontées à une triple accélération » : numérique, développement durable et organisationnelle.
4 – En quoi cette notion change-t-elle la manière d’aborder la transformation des entreprises par rapport aux approches plus classiques ?
« Elle remet en cause les approches séquentielles ou en silo qui dominaient autrefois. Aujourd’hui, les entreprises doivent mener simultanément une accélération technologique, environnementale et organisationnelle, ce qui exige une gouvernance beaucoup plus agile et coordonnée.
La triple accélération permet de donner un cadre clair pour hiérarchiser les efforts, synchroniser le ComEx, les directions internes et éviter la dispersion. Elle transforme les projets en trajectoires, et les trajectoires en avantages compétitifs. » – Vincent Ducrey
Dans cet ouvrage, vous préconisez de segmenter les projets en « Now » (court terme) et « Next » (moyen-long terme) pour ne pas submerger les équipes.
5 – Comment distinguer concrètement un chantier « Now » d’un chantier « Next » dans une entreprise, et comment cela aide-t-il à équilibrer innovation et charge de travail ?
« Un chantier “Now” répond à une urgence business ou opérationnelle, et bénéficie d’un ROI rapide. Il doit être activable immédiatement, avec des équipes déjà structurées et un périmètre clair. Un chantier “Next” est plus transformant : il prépare le modèle futur, touche à la culture, aux processus ou au système d’information.
Cette segmentation réduit la pression sur les équipes, équilibre innovation et capacité réelle d’exécution, et évite que les ambitions ne deviennent paralysantes. Il faut toujours s’assurer avant de lancer un chantier que nous avons bien les moyens humains, financiers et technologiques c’est cela qui doit déterminer si un chantier est Now ou Next. » – Vincent Ducrey
Vous observez qu’« il n’y a plus de vraies stratégies à plus de 48 mois » dans les entreprises.
6 – Comment peut-on (re)donner du long terme aux stratégies d’entreprise ?
« Il faut remplacer la planification rigide par des trajectoires dynamiques, réévaluées régulièrement mais guidées par un cap clair. Le long terme se reconstruit grâce à des horizons d’impact (technologique, environnemental, humain) qui dépassent les cycles financiers.
Les dirigeants doivent cultiver une capacité à arbitrer dans l’incertitude tout en réaffirmant des choix structurants : souveraineté technologique, résilience, formation, innovation. Ma recommandation passe entre autres par la mise en place de dashboards dynamiques pour identifier tôt les tendances et nourrir de manière agile la stratégie. » – Vincent Ducrey
III. Fédérer les acteurs du changement
Vous présidez le Paris Economic Forum, qui réunit chaque année environ 300 décideurs internationaux pour « construire l’économie de demain ».
7 – Quels seront les grands axes abordés lors de la prochaine édition du forum (décembre 2025, thème New Rules, New Leadership) ?
« Le forum explorera les nouvelles règles du jeu économiques, technologiques et géopolitiques qui redessinent la compétitivité des entreprises et des territoires. Nous mettrons en avant un leadership renouvelé, plus responsable, plus souverain et plus attentif aux chaînes de valeur critiques. Les échanges aborderont l’IA de confiance, les modèles industriels durables, l’attractivité économique, ainsi que les grandes transitions sociales et générationnelles.
L’objectif est de fournir aux décideurs un cadre clair pour naviguer dans un monde en recomposition rapide. À travers des panels de haut niveau, des études inédites, des données exclusives et des dialogues public-privé, le PEF 2025 souhaite positionner Paris comme une plateforme internationale d’influence économique et un laboratoire de solutions concrètes pour relever les défis des prochaines décennies.
Nous avons souhaité rendre accessible gratuitement en livestream le Forum pour ceux qui souhaitent suivre les échanges. » – Vincent Ducrey
The New Siècle remercie Vincent Ducrey d’avoir répondu à notre interview et ainsi partager sa vision et son expérience à nos lecteurs.
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