Une start-up spatiale française au service de l’indépendance européenne

Origines et mission de Latitude

Latitude est née en 2019 à Reims (Marne) sous le nom de Venture Orbital Systems sous l’impulsion d’un ingénieur autodidacte passionné d’aérospatiale, Stanislas Maximin. À 20 ans, avec son seul Bac ES en poche, le jeune homme lance sa start-up sans complexe. Son ambition est de concevoir une fusée française légère, capable de répondre à la demande croissante en micro lancements. Une démarche qui s’inscrit dans la lignée de cette nouvelle génération d’entrepreneurs décidée à s’imposer sur un marché jusque-là dominé par les grands groupes publics.

L’entreprise mise sur un modèle industriel intégré et autonome, depuis la conception moteur jusqu’à l’assemblage du lanceur. Elle bénéficie d’un mix solide de fonds privés (banques, corporate VC, VCs technologiques) et de soutiens publics structurants (France 2030/Bpifrance, CNES, ESA, Ariane Group). Une synergie de financement institutionnel et stratégique qui illustre bien la dynamique importante autour des micro lanceurs en France et en Europe. Car, pierre angulaire de sa stratégie, Latitude entend produire et lancer ses fusées depuis l’Europe, en maintenant un haut degré de souveraineté technologique.

Latitude fusée Zéphyr company

Implantation régionale : Reims et Épernay comme terre de lancement

Loin des centres spatiaux traditionnels, Latitude a fait le choix stratégique d’implanter ses activités en Champagne, à Reims à Épernay. Ce positionnement géographique français permet d’optimiser les coûts de production tout en s’ancrant dans un tissu industriel local propice à la mécanique de précision. Le site d’Épernay abrite notamment l’atelier d’assemblage des moteurs Navier, imprimés en 3D par la PME luxembourgeoise Saturne Technology.

La fusée Zéphyr : profil technique et ambitions orbitales

Caractéristiques de Zéphyr

Zéphyr est un micro lanceur de 19 mètres de haut pour moins de 20 tonnes au décollage, conçu pour placer jusqu’à 100 kg en orbite héliosynchrone (SSO). Ce format, modeste en apparence, est le fruit d’un choix stratégique affirmé : là où la majorité des projets concurrents visent des charges utiles de 500 à plus de 1 300 kg, Latitude opte pour un segment plus resserré, mais à fort potentiel, celui des satellites de moins de 150 kg. Selon Stanislas Maximin, il existe un marché largement sous-exploité pour ce type de micro lanceur, notamment pour les constellations légères d’une quarantaine de satellites, les missions de remplacement ou d’urgence, souvent plébiscitées par les gouvernements.

La fusée s’appuie sur une propulsion assurée par neuf moteurs Navier, fruit d’une conception poussée en interne et d’une fabrication en impression 3D, réalisée en étroite collaboration avec l’entreprise Saturne Technology. Ce partenariat industriel, loin d’être une simple sous-traitance, illustre une stratégie de co-développement qui permet à Latitude de conserver un haut degré de maîtrise technologique sur un composant critique de son lanceur.

Calendrier de déploiement et objectifs

Le calendrier de Latitude prévoit un moment décisif pour fin 2026 : le premier vol orbital depuis la base d’Esrange, en Suède, une infrastructure stratégique opérée par l’Agence spatiale européenne (ESA). Ce vol inaugural constituera une étape clé pour le développement de la jeune entreprise.

Une fois ce cap franchi, Latitude ambitionne de passer rapidement à une phase industrielle, avec une montée en puissance progressive de son rythme de lancement, visant une cinquantaine de lancements par an à l’horizon 2030, afin de répondre à la demande en pleine croissance.

Latitude face à SpaceX, entre complémentarité et confrontation ?

Deux visions du spatial

Alors que SpaceX a révolutionné le secteur avec ses lanceurs lourds réutilisables (Falcon 9, Starship), Latitude adopte une stratégie plus ciblée, centrée sur la flexibilité, la rapidité et la décentralisation et se positionne comme une solution régionale, agile et adaptée aux besoins spécifiques du micro lancement.

Le micro lancement dédié comme atout

Le positionnement de Latitude s’inscrit dans une tendance lourde du marché. D’après le dernier rapport d’Euroconsult, près de 26 104 petits satellites de moins de 500 kg seront lancés d’ici 2032, représentant une cadence moyenne équivalente à 1,5 tonne de masse satellisée par jour. Même si deux constellations majeures — Starlink et GuoWang — concentreront à elles seules près des deux tiers de ces lancements, une demande soutenue existe pour des solutions plus agiles et régionalisées. C’est précisément sur ce créneau que Latitude entend s’imposer avec Zéphyr, en proposant un service de lancement dédié, rapide et souverain — une alternative crédible face aux mastodontes du secteur.

Un enjeu de souveraineté spatiale pour l’Europe

Latitude et la constellation IRIS²

Avec le projet IRIS² porté par la Commission européenne, visant à créer une constellation souveraine de satellites pour la connectivité sécurisée, des acteurs comme l’entreprise Latitude pourraient jouer un rôle structurant. Leur capacité à fournir des lanceurs agiles, rapides à produire et disponibles sur le sol européen constitue un levier stratégique évident.

Latitude fusée Zéphyr espace

Concurrence et complémentarité avec Ariane Group

Latitude ne se positionne pas contre Ariane Group, mais en complémentarité. Tandis qu’Ariane 6 est conçue pour le lancement de charges lourdes en orbite géostationnaire, Zéphyr répond à une autre logique : celle de la réactivité, de la décentralisation et du soutien à des missions tactiques ou scientifiques plus ponctuelles. Ensemble, ces deux offres pourraient permettre à l’Europe de couvrir l’ensemble du spectre des besoins orbitaux.

Défis à surmonter et perspectives industrielles

Financement, qualification, montée en cadence…

Le principal défi de Latitude sera de concrétiser son premier vol orbital tout en sécurisant les financements nécessaires à l’industrialisation. L’entreprise devra également passer les étapes complexes de certification de son lanceur, et démontrer une compétence de production régulière et fiable.

Un écosystème en émergence

Latitude s’inscrit dans une dynamique plus large : celle de l’essor des nouvelles entreprises spatiales en France. Avec Exotrail, Unseen Labs, ou encore Loft Orbital, la France voit émerger un tissu de startups innovantes qui pourraient, à terme, rebattre les cartes du spatial européen. Une alliance entre ces acteurs, coordonnée avec les agences publiques, pourrait donner naissance à une nouvelle filière industrielle stratégique.

Un pari audacieux à suivre de près

Avec Zéphyr, l’entreprise Latitude joue gros : faire décoller une fusée française légère et concurrentielle, conçue et produite localement pour répondre à la demande mondiale croissante de micro lancement. Si le pari est encore risqué, il est aussi emblématique d’un moment de bascule du spatial européen. En devenant une alternative crédible à SpaceX pour les petits satellites, Latitude pourrait non seulement transformer le paysage industriel français, mais aussi renforcer l’autonomie technologique du continent.

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Nom d'auteur Raphaël Pintart
Raphaël Pintart est rédacteur et journaliste de formation, titulaire d’un diplôme en lettres. Il a débuté sa carrière à la télévision — notamment chez Canal+ et TV5 Monde — avant de prêter sa plume à plusieurs rédactions telles que Le Figaro, L’Obs, Cnet ou 20 Minutes. Curieux des transformations culturelles, sociétales, politiques et technologiques, il cultive une approche éditoriale entre exigence intellectuelle et goût prononcé pour les angles inattendus.
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