
Interview : Benjamin Chemla – Co-fondateur et CEO de Shares
Benjamin Chemla avance vite, et vise juste. En 2015, il co-fonde Stuart, plateforme de livraison express, revendue à La Poste en moins de deux ans. Six ans plus tard, il s’associe à Harjas Singh et François Ruty pour lancer Shares, avec l’ambition de créer une plateforme d’investissement communautaire, croisant trading et réseau social pour ouvrir la finance au plus grand nombre. Il en prend la tête comme CEO, lève 90 millions de dollars et pilote son lancement d’abord au Royaume-Uni, puis en France, où l’application trouve rapidement son public. Avec un virage B2B assumé et des partenariats structurants, Benjamin Chemla voit plus large : faire de Shares un groupe fintech européen capable de rivaliser avec les géants du secteur.
Dans cette interview, The New Siècle a exploré avec Benjamin Chemla les choix qui ont façonné Shares, la volonté d’élargir l’accès à l’investissement, les défis d’un marché encombré, le pari d’un produit à la fois simple et ambitieux et les nouvelles alliances qui redessinent ses trajectoires de développement.
I. Redéfinir l’accès à la finance
Shares se positionne à la croisée du courtage en ligne et du réseau social, avec un ADN résolument communautaire.
1 – Pourquoi avoir fait de l’interaction entre utilisateurs un levier central de votre approche de l’investissement ?
« Quand on a lancé Shares avec mes co-fondateurs, notre mission était simple : démocratiser l’investissement, pour de vrai. Très vite, on a identifié un point clé. Les gens qui investissaient déjà en avaient assez de devoir jongler entre plusieurs apps pour trouver de l’info ou du soutien. Et ceux qui n’investissaient pas nous disaient souvent que ce monde ne semblait pas fait pour eux, qu’il était réservé à une poignée de privilégiés. C’est là que le concept du Social Investing a vraiment pris vie.
On a voulu créer une plateforme qui combine le meilleur du social et de l’investissement, de manière responsable, sans bruit inutile. La désinformation financière était déjà un vrai sujet, et c’est toujours le cas. On s’est donc concentrés sur du contenu pédagogique, crédible, qui aide les gens à devenir de meilleurs investisseurs. » – Benjamin Chemla
Vous revendiquez plus de 50 000 utilisateurs sur votre plateforme retail, et séduisez un public jeune, majoritairement novice en Bourse.
2 – Comment expliquez-vous cette capacité à toucher un public que la finance traditionnelle peine à séduire ?
« On a créé Shares à partir de notre propre expérience, en concevant une app qu’on aurait aimé utiliser nous-mêmes. On a analysé les outils qui existaient à l’époque, et on a vu ce qu’il manquait : des produits souvent froids, purement transactionnels, ou conçus pour ceux qui connaissaient déjà les codes. Nous, on voulait créer quelque chose d’intuitif, d’accueillant, et qui soit vraiment utile pour ceux qui se lancent.
Dès le départ, on a recruté des gens qui partageaient cette vision. Parmi les premiers, il y avait Harjas Singh, notre CPO, qui venait de Revolut. Harjas a depuis monté une équipe exceptionnelle, qui reste concentrée sur un seul objectif : créer un produit personnel, utile et digne de confiance. On n’a jamais voulu lancer une app de finance de plus. On voulait construire un produit, et une communauté, dont on ferait nous-mêmes partie. C’est cette authenticité qui, je pense, fait que ça résonne autant chez nos utilisateurs. » – Benjamin Chemla
Vous avez fait appel aux sœurs Williams comme ambassadrices, qui ont lancé votre campagne « Investir ensemble » à VivaTech 2024.
3 – Quel impact concret ce partenariat “people” a-t-il eu sur la notoriété de l’app et l’engagement des utilisateurs ?
« Invest Together a été une campagne très spéciale, que je n’oublierai jamais. Quand j’ai rencontré Serena et Venus pour la première fois, c’était évident : elles étaient les ambassadrices parfaites pour Shares. Sur les courts comme dans la vie, elles se soutiennent mutuellement (même quand elles s’affrontent en finale de Grand Chelem !) et incarnent à elles seules l’idée de solidarité.
La campagne a eu un effet énorme sur notre visibilité : des millions d’impressions organiques sur notre vidéo sur les réseaux sociaux, 200 panneaux publicitaires dans tout Paris, des dizaines d’articles dans la presse française, et une forte hausse des inscriptions.
Mais depuis, Invest Together est devenu bien plus qu’une campagne. C’est une boussole pour nous, qui influence nos choix produits, nos partenariats, et notre tech. Tout ce qu’on construit pour rendre l’investissement plus accessible s’inscrit dans cet esprit. » – Benjamin Chemla
Le marché du courtage est très concurrentiel. Entre Revolut, eToro ou Trade Republic, chacun propose des services de trading sans frais.
4 – Qu’est-ce qui, selon vous, différencie réellement Shares dans cet écosystème saturé ?
« Ce qui nous distingue, c’est notre rapidité, notre agilité, et notre volonté de construire pour différents profils d’utilisateurs, pas seulement un seul. On a développé des offres distinctes comme Shares Pro pour les CGP, et Shares Solutions pour proposer des expériences d’investissement à des partenaires comme AXA. Cette approche multi-segments nous permet de servir à la fois les particuliers et les institutions, avec des produits sur-mesure et de qualité.
On reste une équipe très soudée, ce qui nous permet d’avancer vite. On a construit une tech solide en interne, obtenu plusieurs agréments réglementaires, et élargi notre modèle du B2C au B2B / B2B2C en un temps record. On n’est pas juste une app de trading, on est une véritable solution IT d’investissement front-to-back, ce qui nous permet de nous développer à présent très rapidement sur le segment du wealth management avec Shares Pro et en marque blanche. » – Benjamin Chemla
II. Passer du grand public aux acteurs institutionnels
Depuis 2024, vous avez ouvert Shares Pro aux conseillers en gestion de patrimoine et aux conseillers en investissements financiers, et racheté l’activité PER d’Inter Invest.
5 – Pourquoi ce virage vers le B2B et l’accompagnement des professionnels du patrimoine, alors que votre mission première était tournée vers le grand public ?
« Shares Pro, c’est notre mission poussée un cran plus loin. Démocratiser l’investissement, ce n’est pas uniquement offrir un accès direct aux particuliers. C’est aussi améliorer les outils à disposition de ceux qui les accompagnent. Aujourd’hui, beaucoup de gestionnaires de patrimoine travaillent avec des outils dépassés, ce qui complique l’accès à une information claire et à jour pour leurs clients.
En leur offrant une plateforme moderne et intuitive, on améliore à la fois leur efficacité et l’expérience de leurs clients finaux. Le but, c’est d’améliorer toute la chaîne, pour que chacun ait plus de visibilité, de contrôle et de confiance dans son avenir financier. » – Benjamin Chemla
En mars 2025, AXA vous choisit pour digitaliser son offre d’épargne salariale. Une alliance inédite entre une grande institution et une fintech encore jeune.
6 – Qu’est-ce que ce partenariat a changé concrètement pour Shares ?
« Ce partenariat a été un tournant majeur pour Shares, et plus largement pour la FinTech française. On espère que ça servira de modèle pour montrer comment un grand Groupe et une fintech peuvent collaborer efficacement. Il faut de l’ambition et du courage des deux côtés pour que ça fonctionne, mais le résultat pour les utilisateurs est vraiment transformateur.
Pour nous, ça a été un vrai accélérateur. On a la chance d’avoir une équipe tech exceptionnelle, qui avait déjà construit un socle technologique extrêmement robuste et automatisé. Aujourd’hui, cette avance nous permet de déployer notre infrastructure, en particulier nos outils de tenue de compte-conservation d’actifs et d’opérations à l’échelle sur l’ensemble de nos solutions, pour créer un maximum de valeur pour nos partenaires.
Plus globalement, ce partenariat a propulsé une mise à l’échelle rapide de notre plateforme et démontré sa scalabilité. Notre mission a toujours été de démocratiser l’investissement. Avec la technologie de Shares désormais entre les mains d’un très grand nombre d’utilisateurs, on franchit une étape clé pour rendre l’épargne et l’investissement accessibles à tous. Et ça, c’est très excitant. » – Benjamin Chemla
III. Inscrire Shares dans la durée
Vous avez levé 90 millions de dollars, obtenu des agréments multiples et signé des partenariats structurants…
7 – Comment construit-on une entreprise pérenne dans un marché aussi mouvant, où la finance et la tech évoluent à deux vitesses ?
« S’adapter, encore et encore ! Ce que j’ai appris en tant que fondateur, c’est que l’agilité est essentielle. Notre secteur change sans cesse, les besoins des utilisateurs évoluent vite, et il y a toujours de nouvelles opportunités à explorer.
Pour durer, il faut rester flexible, aller vite, et s’entourer de gens qui aiment ce rythme. Garder une structure de coûts assez “lean” et avoir toujours un coup d’avance. Bien suivre les évolutions du marché pour anticiper les décisions importantes à prendre. » – Benjamin Chemla
Shares fait partie de la French Tech 120, rejoignant ainsi les scale-ups françaises les plus prometteuses telles que Mistral AI, Back Market, BlaBlaCar, Doctolib ou encore Alan.
8 – Quels impacts concrets son intégration a-t-elle eu sur votre développement et votre stratégie de croissance, en France comme à l’international ?
« Faire partie de la French Tech 120 pour la deuxième année consécutive est une vraie fierté, d’autant plus que les conditions d’éligibilité se sont durcies. L’écosystème French Tech est un plus, il renforce notre position à la fois vis-à-vis des grands groupes, via le programme “Je choisis la French Tech”, comme dans notre internationalisation.
La France est devenue le premier hub européen pour la fintech, et j’en suis personnellement très fier. On a vraiment le sentiment de faire partie d’un mouvement. » – Benjamin Chemla
The New Siècle remercie Benjamin Chemla d’avoir répondu à notre interview et ainsi partager sa vision et son expérience à nos lecteurs.

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