Comment Vogue France a imposé sa vision de la mode parisienne entre 1920 et 1950
Dans l’entre-deux-guerres puis après 1945, Vogue France (baptisé Vogue Paris avant 2021) s’affirme comme un repère culturel autant qu’un magazine de mode. Une boussole, un atelier visuel où s’invente la silhouette de la Parisienne moderne. Sous l’impulsion de Michel de Brunhoff, le titre forge un style propre, alliance d’audace photographique et de raffinement parisien. Derrière chaque numéro, un fil narratif se déploie sur la place des femmes, entre figure de la garçonne et icône de couture. The New Siècle revient sur cette aventure éditoriale qui a marqué la mode parisienne.
De la garçonne à la Parisienne : l’invention d’un style éditorial propre à Vogue
La « Parisienne garçonne », cheveux courts, allure androgyne, tailleur strict signé Lanvin, Chanel, Patou ou encore Madeleine Vionnet, fut la première héroïne des pages de Vogue France. Dans les années 1920, ce style incarnait l’émancipation, une provocation feutrée contre les codes corsetés du XIXᵉ siècle. Le magazine n’a pas seulement relayé cette tendance, il l’a amplifiée et magnifiée, jusqu’à en faire un symbole. En couverture, la silhouette se faisait manifeste politique, subtile mais assumée.
Sous la direction de Michel de Brunhoff, l’esthétique Vogue France s’affine. Les mots se calent sur les images, les légendes ressemblent à des poèmes et le journalisme mode devient une discipline à part entière. On lit autant qu’on regarde. L’influence de Vogue France sur la mode parisienne passe alors par ce double jeu. Une écriture inspirée qui donne autant de poids à une jupe plissée qu’à une idée sur la liberté des femmes.
Une vitrine de la haute couture française et des nouveaux créateurs
Dans les années 1930 et 1940, Vogue France s’impose comme la vitrine la plus prestigieuse de la haute couture française. Chanel s’y taille une place de choix, mais le magazine s’ouvre aussi aux maisons montantes. Nina Ricci impose sa vision romantique, Lanvin continue de jouer sur l’élégance intemporelle, Rochas séduit par son audace moderne. Chaque numéro devient une galerie. On y découvre des silhouettes avant même qu’elles ne défilent.
À la Libération, Vogue participe à l’essor d’un nom (révélé en 1947 par Harper’s Bazaar) qui deviendra un empire : Christian Dior. Son New Look n’aurait peut-être pas conquis aussi vite la planète sans l’écho des pages françaises du magazine. Taille de guêpe, jupe corolle, décolleté cœur, retour d’une féminité théâtrale… tout cela paraît presque une revanche sur les années de privations. L’influence de Vogue France sur la mode parisienne se confirme, le magazine devient la caisse de résonance d’un pays qui veut redevenir la capitale mondiale de l’élégance.
Un laboratoire d’images et d’idées pour repenser la femme moderne
Il n’y avait pas que les robes. Dans les pages glacées de Vogue France, la photographie de mode s’invente un langage. Horst P. Horst joue des ombres pour sculpter les corps. Cecil Beaton apporte son œil aristocratique, saturé de glamour. Richard Avedon, un peu plus tard (à partir de la fin des années 1940), électrise la scène avec son sens du mouvement et de l’ironie. Des images devenues autant de jalons dans l’histoire de la presse mode.
Chaque cliché racontait plus qu’un vêtement… il dessinait une femme. Une Parisienne qui ne se réduisait ni à un rôle de muse ni à celui de ménagère. Les pages offraient une vision moderne et émancipée de la femme (sans discours explicitement féministe à l’époque). L’influence culturelle de ce laboratoire visuel a dépassé les frontières françaises, installant Paris comme capitale indiscutable du style. En apparence seulement un magazine, Vogue France a été un miroir où se reconnaissaient celles qui voulaient une autre place dans la société.
Entre 1920 et 1950, Vogue France a donc bien plus fait qu’habiller les femmes. Il a dessiné les contours d’une figure, la Parisienne, entre garçonne affranchie et icône de couture. Le magazine de mode historique a imposé une esthétique singulière et une photographie inventive. Son influence se lit encore aujourd’hui, dans l’élégance de Dior, dans la mémoire des images immortalisées par Horst ou Beaton… et dans l’idée même que Paris reste la scène suprême du style. Vogue n’a pas seulement suivi la mode parisienne… il l’a écrite.
Mouchka Sellam
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