Comprendre la dette américaine : origine et évolution

Une dette structurelle intégrée à l’économie

La dette américaine regroupe les obligations émises par le Trésor pour financer des dépenses publiques (la Défense, les infrastructures…). Une dette qui atteint aujourd’hui environ 120 % du PIB, soit, ne l’oublions pas, à peu près comme la dette française qui se situe à 113%. Ce score reste toutefois historique pour les USA en temps de paix. Si l’on considère le pays comme étant en paix…

Un actif refuge mondial

La dette est constituée des bons du Trésor (treasuries) émis par le gouvernement fédéral. Considérés depuis toujours comme l’un des actifs les plus sûrs au monde, ils servent à la fois de référence aux taux d’intérêt globaux et de réserve de change pour les banques centrales. Mais ce statut se fragilise années après années.

Qui détient la dette aujourd’hui ?

Près de 70 % de la dette américaine est aujourd’hui entre les mains d’acteurs domestiques. Le premier d’entre eux est la Réserve fédérale qui détient près de 8 000 milliards de dollars. Viennent ensuite les fonds de pension, les compagnies d’assurance et des épargnants privés qui sont engagés via les fonds d’investissement. À l’étranger, c’est le Japon qui reste le premier créancier (≈ 1 100 milliards $), suivi de la Chine (un peu moins de 800 milliards, un creux historique depuis 2009). D’autres pays, en Europe notamment, sont également dans l’équation.

Les défis pour trouver de nouveaux acheteurs

Dégradation de la confiance politique

Les crises budgétaires périodiques et les menaces de dépassement du plafond de la dette ont entraîné une dégradation de la note souveraine américaine (Fitch). En août 2023, celle-ci est passée de AAA à AA+, une « punition » rarissime pour une économie du G7.

Donald Trump pousse le curseur... à nouveau

Depuis sa réélection en janvier 2025, Donald Trump relance fortement le débat budgétaire. Il a fait adopter son plan signature, surnommé le « One Big Beautiful Bill ». Cette formule magique, telle que la voit le président américain, mixe baisses d’impôts et… baisses des aides sociales (Medicaid, aides alimentaires). Elle fait par contre la part belle aux dépenses militaires qui ont gagné 150  milliards de dollars, en plus du budget de défense préexistant pour l’année fiscale 2025.

Ce texte augmente le plafond de la dette de 5 000 milliards $, et accroît la dette de 3,3 à 3,4 trillions sur 10 ans. Plus fort encore, le plan prévoit même d’éliminer totalement le plafond de la dette, jugeant le mécanisme “trop déstabilisant”. Des idées qui font trembler les marchés obligataires. Moody’s et le CBO (Congressional Budget Office, l’arbitre budgétaire américain) tirent la sonnette d’alarme sur les dangers d’un déficit structurel trop élevé. Quant à BlackRock (le plus grand gestionnaire d’actifs au monde), il annonce déjà un désengagement de certains investisseurs étrangers.

Conséquences économiques et géopolitiques

Répercussions sur l’économie mondiale

L’équation semble simple : lorsque la dette s’accroît, elle pousse les taux directeurs à la hausse et alimente l’inflation, ce qui réduit considérablement la marge de manœuvre des banques centrales.

Si la Chine, mûre économiquement, a réduit ses expositions à la dette américaine pour des raisons stratégiques, les véritables économies émergentes, elles, subissent de plein fouet la hausse des rendements des bons du Trésor. En résultent des sorties de capitaux massifs et une forte pression sur leur propre monnaie et leur dette.

Souveraineté et dépendance

Avec des créanciers étrangers plus volatils et une dette publique qui n’en finit plus de monter, la souveraineté financière américaine se trouve affaiblie. S’il y a moins d’acheteurs, les coûts d’emprunt deviennent plus élevés, et conséquemment l’influence territoriale étrangère devient plus menaçante.

Qui pourrait dire oui demain ?

Retour à l’investisseur domestique

Les ménages américains et les institutions nationales pourraient redevenir des acheteurs de référence, attirés par la sécurité relative et les rendements autour de 4,5 % pour les Treasuries 10 ans.

Fonds souverains et institutionnels

Hors territoire, les fonds tels que ceux de la Norvège ou des Émirats pourraient quant à eux conserver une position prudente, tant que l’évolution budgétaire reste lisible, et si Donald Trump ne se fait pas l’acteur d’un nouveau coup de théâtre géopolitique.

La dette américaine n’est plus seulement un problème financier, elle est devenue un test de confiance global et une bombe à retardement. Le plan massif défendu par Donald Trump, en repoussant les limites budgétaires et en fragilisant les garde-fous institutionnels, a tout du coup de poker. Dans ce contexte de mutation accélérée, qui acceptera encore de porter le poids de cette dette abyssale ? Et à quelles conditions ?  Les prochains mois diront si la puissance du Trésor suffit encore à mobiliser les marchés ou si un nouveau cycle d’incertitude est en train de s’ouvrir.

Nom d'auteur Raphaël Pintart
Raphaël Pintart est rédacteur et journaliste de formation, titulaire d’un diplôme en lettres. Il a débuté sa carrière à la télévision — notamment chez Canal+ et TV5 Monde — avant de prêter sa plume à plusieurs rédactions telles que Le Figaro, L’Obs, Cnet ou 20 Minutes. Curieux des transformations culturelles, sociétales, politiques et technologiques, il cultive une approche éditoriale entre exigence intellectuelle et goût prononcé pour les angles inattendus.
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