
OnlyFans, la face cachée d’un succès planétaire qui séduit notre société
La plateforme OnlyFans s’est bâti une réputation sulfureuse. D’un espace pensé pour rapprocher les créateurs de leur public, elle a peu à peu glissé vers un modèle centré sur le contenu pour adultes. Un succès mondial qui questionne autant qu’il intrigue, entre économie de l’intime et regard social. The New Siècle s’intéresse à ce phénomène qui reflète, à sa manière, les paradoxes de notre époque.
Une plateforme pas comme les autres
OnlyFans, c’est quoi ? À ses débuts en 2016, la plateforme britannique se présente comme une passerelle entre les artistes et leur public. Le réseau social permet alors aux musiciens de proposer photos, clips ou morceaux exclusifs à travers un modèle d’abonnement, dont le tarif reste fixé par le créateur. Le concept d’OnlyFans séduit par cette proximité avec les fans, une forme de lien direct que beaucoup cherchaient à recréer à l’ère des algorithmes. Cette logique d’échange s’est transformée en un business model de plateforme payante où chaque interaction devient monétisable.
Puis OnlyFans a commencé à s’étendre à d’autres univers : cuisine, fitness, mode, parfois même lifestyle… Jusqu’en 2018, date à laquelle un tournant s’est opéré. Le milliardaire Leonid Radvinsky, déjà propriétaire de plusieurs sites de contenu pour adulte, a racheté la plateforme, l’orientant vers un modèle dominé par les contenus à caractère pornographique. Une direction devenue très rentable, puisque la société perçoit 20 % de commission sur les revenus des créateurs de contenu.
En 2024, OnlyFans compte plus de 4,6 millions de créateurs et près de 377 millions d’utilisateurs. Un appât du gain qui attire désormais une partie des influenceurs et mannequins venus d’Instagram, séduits par les récits de réussite et les montants parfois vertigineux gagnés chaque mois. Mais ce succès planétaire interroge. Selon le Financial Times, environ 80 % des contenus consultés chaque jour sont classés NSFW (Not Safe For Work). Un constat qui dit beaucoup de la place d’OnlyFans dans la société et de son rôle grandissant dans la marchandisation du corps en ligne.
Derrière la liberté, des risques psychologiques et juridiques
Car derrière cette liberté affichée se cachent des pratiques à risques bien réelles. Chaque créateur sur OnlyFans cède une part de ses droits de propriété intellectuelle, ce qui ouvre la voie à une diffusion non autorisée de ses contenus sur d’autres sites pour adultes… un terrain propice au revenge porn et à la perte de contrôle sur son image. Dans le même temps, les femmes et les minorités, souvent prises pour cibles, subissent parfois un harcèlement violent. Des créatrices ont vu leur identité ou leur adresse personnelle rendues publiques après un désaccord avec leur communauté.
Publier toujours plus de photos explicites, répondre sans relâche à la demande pour conserver ses abonnés… ces pratiques fragilisent les créateurs et révèlent les dérives d’un modèle économique fondé sur l’exhibition payante. Le phénomène OFM IA (OnlyFans Management avec Intelligence Artificielle) a d’ailleurs accentué ce phénomène. Des managers gèrent désormais plusieurs comptes à la fois grâce à des outils d’automatisation et de génération de messages personnalisés. Certains envoient des photos, des réponses ou créent des voix synthétiques à la place des créatrices, effaçant la frontière entre humain et IA. Ce système amplifie la marchandisation de l’intime… tout en plaçant les talents sous pression, parfois même sans réel contrôle de leur propre image. C’est dire.
La régulation du réseau social quant à elle demeure floue et les limites mouvantes. En 2024, le régulateur britannique Ofcom a infligé une amende d’un million de livres à la maison mère d’OnlyFans accusée d’avoir fourni des informations inexactes sur ses contrôles d’âge. Un manque de vigilance qui montre à quel point la protection des mineurs demeure précaire sur ce genre de plateformes… Si un mineur publie ou diffuse un contenu dit “sexuel”, la loi française prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Mais selon la CNIL, les dispositifs de vérification d’âge en ligne sont “largement inefficaces”, faute de moyens techniques réellement fiables pour protéger les mineurs.
Une plateforme entre empowerment et stigmatisation sociale
Sur le papier, OnlyFans donne l’impression d’un pouvoir retrouvé sur son corps. Monétiser sa propre image, transformer son audience en revenu… l’idée séduit, tant que persiste le sentiment de garder la main. « C’est plus d’argent que je n’ai jamais touché dans tous mes autres petits emplois », confiait une jeune femme à France 3 Corse ViaStella. Au sentiment d’empowerment et d’émancipation financière se mêle une marchandisation de soi, entre pression économique et sociale. La Canadienne Lil Tay en a fait l’expérience dès ses 18 ans, lorsqu’elle a ouvert un compte OnlyFans. Révélée enfant par des vidéos virales, elle illustre cette génération passée du buzz à la monétisation, où l’exposition précoce devient une ressource largement exploitable dès l’âge adulte.
Certains créateurs de contenu y trouvent une autonomie réelle, d’autres décrivent une pression constante, un isolement progressif. Leur réseau avec communauté devient à la fois soutien et dépendance. Selon l’ONG The Avery Center, 34% des créateurs OnlyFans disent avoir déjà ressenti anxiété, honte ou perte d’estime de soi. Il y a aussi cette crainte persistante d’être reconnu par ses proches ou ses collègues… Une peur silencieuse que la société entretient, souvent dans le jugement.
Près de dix ans après sa création, OnlyFans reste le reflet d’une époque fascinée par la visibilité. Outil d’émancipation pour certains, miroir d’un business model de plateformes payantes pour d’autres, la plateforme brouille la frontière entre liberté et exposition. Derrière son succès, elle révèle une question plus large : jusqu’où l’intime peut-il devenir un produit ?

Les + vues
Inscrivez-vous !
INSCRIVEZ-VOUS À
NOTRE NEWSLETTER !
Renseignez votre adresse mail
pour recevoir nos nouveautés
et rester informé de nos actualités.
Laisser un commentaire