De l’effet spécial au storytelling, un outil à tout faire ?

Une nouvelle grammaire visuelle portée par l’IA

Développée par la start-up new-yorkaise Runway, la version Gen4, lancée en mars dernier (la première date de 2018), marque une inflexion dans l’évolution de l’IA vidéo. Conçue sur un modèle multi-shot, cette IA générative ne se contente plus de produire de simples séquences, mais enchaîne des scènes cohérentes avec une égale qualité d’image. Grâce au deep learning et à des outils avancés comme le Motion Brush ou la caméra virtuelle, elle permet de composer des plans complexes à partir de simples descriptions textuelles (prompts).

Du concept à l’écran : vers un cinéma sans caméra ?

Plusieurs réalisateurs indépendants ont déjà sorti des trailers et des clips uniquement via l’IA et c’est le sens de l’Histoire que de voir prochainement des courts (voire des longs) métrages sans caméra. Mais les limites de la vidéo générée par IA sont encore criantes. L’expressivité des visages, la précision des gestes, ou passer du rire aux larmes comme nous savons si bien le faire, est encore difficile pour une machine. Runway Gen4 peut simuler un tournage, mais n’en rendra jamais l’atmosphère.

Révolution ou évolution ? Les bénéfices et limites de Runway Gen4

Un sésame pour les créateurs indépendants

Bien sûr, pour tous les petits budgets, Runway Gen4 est une aubaine. En quelques minutes et sans matériel, un réalisateur (ou un amateur éclairé) peut générer un storyboard animé et bien d’autres choses. L’intention artistique est immédiatement transformée en visuel exploitable, sans équipe technique ou studio.

Mais la révolution visuelle reste partielle. Tout d’abord, les vidéos produites par Runway Gen4 sont limitées à une quinzaine de secondes, voire 30 avec des extensions payantes. Pas de quoi sortir un court-métrage en trois clics. Les acteurs générés par l’IA ne sont pas des plus naturels, et les objets ou textures (des peaux humaines notamment) peuvent subir de sérieuses déformations. Bref, la magie opère, mais ne trompe pas.

Combien ça coûte ?

L’accès à Runway Gen4 reste relativement accessible. Le plan Pro commence à 12 $ par mois, avec un crédit de génération limité. Pour des usages plus avancés (résolution HD, vidéos allongées, génération en série), il faut passer à des forfaits de 28 à 76 $ mensuels, ou acheter des packs de crédits à l’unité. Un coût donc très abordable pour les créateurs, sans commune mesure avec ceux du « vrai » cinéma.

Runway Gen4 face à Sora et Pika : qui dominera l’IA vidéo créative ?

Trois philosophies de l’image générée

Face à Runway, Sora (OpenAI) et Pika Labs incarnent deux visions concurrentes. Sora impressionne par son rendu hyperréaliste et sa gestion de la lumière. Mais l’outil reste cher, et ses vidéos plafonnent à 20 secondes, sans audio. À l’autre extrême, Pika Labs séduit les créateurs de formats sociaux qui veulent des clips courts et des résultats rapides, au détriment du réalisme.

Runway Gen4 est de son côté plutôt pensée pour la narration. La qualité d’image est satisfaisante, l’interface intuitive. Sans être un studio complet, il reste un outil sérieux pour raconter en images.

Quelle place pour les réalisateurs demain ?

Avec Runway Gen4, la question n’est pas de remplacer les réalisateurs, mais de redéfinir leur rôle. Plus que jamais, il s’agit d’articuler des idées visuelles avec des technologies automatisées. L’IA ne fait pas de cinéma, elle fabrique des images. C’est à l’humain d’y insuffler une vision, un récit, et surtout de quoi vibrer. En cela, Runway ne met pas fin au cinéma, elle en redéfinit (à sa mesure) les outils.

En rendant la production audiovisuelle plus accessible et en offrant des outils de simulation visuelle puissants, Runway Gen4 libère une nouvelle génération de créateurs, tout en interrogeant la place de l’humain dans le récit visuel. Plus qu’une révolution, Gen4 initie une transition vers un cinéma augmenté plus modulable et qui répond à des prompts. Reste à savoir si cette puissance technique engendrera des œuvres marquantes ou seulement des images brillantes.

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Nom d'auteur Raphaël Pintart
Raphaël Pintart est rédacteur et journaliste de formation, titulaire d’un diplôme en lettres. Il a débuté sa carrière à la télévision — notamment chez Canal+ et TV5 Monde — avant de prêter sa plume à plusieurs rédactions telles que Le Figaro, L’Obs, Cnet ou 20 Minutes. Curieux des transformations culturelles, sociétales, politiques et technologiques, il cultive une approche éditoriale entre exigence intellectuelle et goût prononcé pour les angles inattendus.
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