Dans cet entretien, The New Siècle a interrogé Vincent Pavanello sur les origines de Mister IA, son approche hybride de la formation, sa vision du marché français de l’IA et les défis qui l’attendent dans un secteur aussi nouveau que convoité.

I. De l’intuition à l’impulsion

À l’origine de Mister IA, il y a une newsletter que vous avez lancée en 2023 autour de l’actualité de l’IA. Elle a très vite trouvé son public, avec plusieurs dizaines de milliers d’abonnés en quelques mois.

1 – En quoi cette newsletter vous a-t-elle permis de prendre le bon virage dès le départ ?

« Quand on veut lancer un business, il faut être au plus proche de ses prospects. Et quoi de mieux que de leur écrire toutes les semaines ? Une newsletter, c’est un outil hyper efficace pour ça car les gens ne vous oublient pas, vous restez dans leur tête, semaine après semaine. Donc dès le départ, ça nous a permis de créer un lien, d’avoir des retours rapides sur ce qu’on testait et de sentir ce qui accrochait ou pas. 

Ensuite, quand on s’engage à publier chaque semaine, on s’impose une rigueur. Une discipline de veille, une capacité à synthétiser ce que l’on comprend du marché, à clarifier sa vision. C’est hyper structurant. Ces deux éléments, proximité client + discipline intellectuelle, c’est ce qui nous a mis sur de bons rails dès le début. » – Vincent Pavanello

Vous avez choisi de créer une entreprise de conseil et non un produit logiciel.

2 – Pourquoi avoir misé sur une approche “humaine” de l’IA là où d’autres startups se ruent vers la techno pure ou l’automatisation ?

« Très bonne question. Pour moi, c’est un peu comme à l’époque de la ruée vers l’or. Ceux qui s’enrichissent ne sont pas forcément ceux qui cherchent l’or, c’est ceux qui vendent les pelles. Et là, c’est pareil. Tout le monde court vers le produit, vers la techno pure… mais à côté de ça, il y a un besoin massif d’accompagnement, de compréhension, de montée en compétences. Plutôt que de se jeter dans la mêlée produit, nous nous sommes dit d’aller là où il y a une vraie demande immédiate : le service, le conseil et la formation.

Et puis soyons lucides, le monde du produit IA, c’est un monde de géants. Ça se joue à coups de milliards. On ne va pas concurrencer OpenAI ou Anthropic demain matin. En revanche, ce que veulent les entreprises aujourd’hui, c’est comprendre comment utiliser ces outils, comment les intégrer dans leur métier, comment transformer leur quotidien. Et c’est exactement là où on intervient. » – Vincent Pavanello

En moins de deux ans, Mister IA a formé plus de 15 000 professionnels et compte 500 entreprises clientes.

3 – Comment expliquez-vous une telle adoption, aussi rapide que massive ?

« Il y a deux raisons. La première, c’est que les outils d’IA générative sont vraiment utiles. On parle d’une adoption qu’on n’a jamais connue dans l’histoire de l’informatique sur les 40 dernières années. ChatGPT, par exemple, tout le monde peut s’en servir pour écrire un mail, résumer une réunion, préparer une présentation… C’est immédiat, concret, applicable. Donc forcément, les gens accrochent.

La deuxième raison, c’est la simplicité. On parle ici d’outils qui comprennent le langage naturel. Pas besoin de formation technique, pas besoin de notice. On parle à l’IA comme on parle à un humain, et ça marche. Cette barrière à l’entrée ultra-basse, c’est ce qui rend l’adoption aussi rapide et aussi large. En fait, pour une fois, la tech ne demande pas de comprendre la tech pour en tirer profit. Et ça, c’est une révolution. » – Vincent Pavanello

En 2023, vous levez 1 million d’euros… sans fonds, uniquement auprès d’entrepreneurs du secteur immobilier.

4 – Comment cette levée “à contre-courant” a-t-elle façonné l’ADN de Mister IA ?

« C’était une petite levée, très ciblée. On l’a faite auprès d’entrepreneurs du secteur, surtout pour amorcer la pompe et sécuriser un peu de BFR, ce qui est utile dans une boîte de service, surtout au début. Mais très vite, l’activité est devenue rentable. En trois mois, on était à l’équilibre, et depuis, on est largement profitable.

Ce choix a façonné une culture claire chez nous. On se développe en autonomie, avec une vraie discipline financière. On n’a pas levé pour faire joli, on l’a fait parce que c’était utile. Et aujourd’hui, on n’a aucun besoin de capital externe pour continuer à grandir. C’est aussi ça qui nous rend solides et agiles dans un marché qui bouge vite. » – Vincent Pavanello

II. S’adapter dans un marché en mutation

L’IA générative évolue à une vitesse vertigineuse. GPT-4 hier, Claude 3 aujourd’hui, Copilot intégré à la suite Microsoft, Perplexity qui monte, sans compter le modèle Open Source et européen Mistral AI…

5 – Comment Mister IA s’organise-t-elle pour rester à jour dans ses formations ?

« C’est une question qu’on se pose tous les jours. L’IA évolue hyper vite, donc on n’a pas le choix, il faut structurer la veille. Concrètement, on a monté un petit laboratoire interne, avec trois personnes dont le boulot à plein temps, c’est de tester les nouveaux outils, les nouvelles fonctionnalités, les dernières sorties.

Dès qu’on identifie quelque chose de vraiment utile, on forme nos formateurs. L’objectif, c’est qu’ils soient à jour en permanence, qu’ils maîtrisent ce qui sort, pour ensuite pouvoir l’expliquer clairement à nos stagiaires. C’est un boulot de fond, quotidien, mais c’est aussi ce qui fait notre crédibilité.

Un exemple récent, tout ce qui tourne autour de l’agentique, les IA capables d’exécuter des tâches en autonomie. C’est en train d’arriver en entreprise, et nous, on est déjà dessus, on prépare les contenus, on teste, on vulgarise. On ne veut pas courir après le marché, on veut former les gens sur ce qui va vraiment compter demain. » – Vincent Pavanello

Beaucoup d’entreprises redoutent l’effet “boîte noire” de l’IA : biais, hallucinations, manque de transparence, mauvais usage des données sensibles…

6 – Quel est, selon vous, le principal frein à l’adoption de l’IA dans les entreprises aujourd’hui et pourquoi ?

« Franchement, on ne ressent pas de frein majeur. Au contraire, on voit des entreprises curieuses, à l’écoute, plutôt prêtes à avancer. L’a priori est globalement positif. Ce qui peut ralentir l’adoption, en revanche, c’est que l’IA, ce n’est pas un gadget qu’on branche en un clic, c’est un vrai projet d’entreprise.

Il faut d’abord choisir les bons outils. Est-ce qu’on va vers une solution souveraine, française, ou vers le meilleur outil du marché, souvent américain ? Ensuite, il faut arbitrer entre version gratuite ou payante, définir qui on équipe dans l’entreprise, comment on gère les accès, puis surtout, comment on forme les équipes. Tout ça prend du temps. Ce n’est pas du frein idéologique, c’est du frein opérationnel.

Et bien sûr, en deuxième rideau, on retrouve les questions classiques : sécurité, confidentialité, responsabilité des usages, gouvernance des données. Des sujets importants, mais qui arrivent souvent après les questions de mise en œuvre concrète. » Vincent Pavanello

III. Construire l’avenir avec l’IA

En mai 2025, vous avez rendu deux de vos formations éligibles au financement CPF, ouvrant ainsi l’accès à ses modules à un public beaucoup plus large.

7 – Est-ce un tournant stratégique pour Mister IA ? 

« Je ne sais pas si c’est un tournant stratégique, mais c’est clairement cohérent avec notre vision. Historiquement, Mister IA s’adresse aux entreprises. On forme leurs équipes, on les accompagne dans leurs projets. Mais on sait aussi qu’il y a énormément de gens en dehors des structures classiques (indépendants, freelances, gens entre deux jobs) qui veulent monter en compétences sur l’IA.

Donc pouvoir proposer nos formations via le CPF, c’est une façon naturelle d’élargir notre impact. On continue à faire du service, mais cette fois aussi pour les particuliers. C’est la même mission, les mêmes standards de qualité, mais avec un accès plus large. Et ça, c’est une très bonne chose. » – Vincent Pavanello

Selon Grand View Research, le marché mondial de l’IA pourrait dépasser 1 800 milliards de dollars en 2030, porté par une croissance annuelle de plus de 36 %.

8 – Comment imaginez-vous la place de Mister IA dans ce paysage d’ici cinq ans ?

« Dans cinq ans, on veut être un des leaders européens du conseil et de la formation sur l’IA générative. Et surtout, on veut continuer à aider un maximum d’entreprises et d’individus à intégrer efficacement cette révolution technologique dans leur quotidien.

Notre mission est simple, c’est rendre l’IA utile, concrète et accessible. Que ce soit via la formation, le conseil ou l’accompagnement, notre objectif, c’est de simplifier la vie des gens. De leur faire gagner du temps et de la clarté. 

Oui, le marché va être gigantesque. Et aujourd’hui, on est déjà 100 chez Mister IA. Dans cinq ans, j’espère qu’on sera 1000. Avec toujours le même cap : rester proches du terrain, utiles et efficaces. » – Vincent Pavanello

The New Siècle remercie Vincent Pavanello d’avoir répondu à notre interview et ainsi partager sa vision et son expérience à nos lecteurs.

Nom d'auteur Juliette Lamy
Juliette Lamy a fait ses armes dans l’audiovisuel puis à la rédaction de Gala.fr et Webedia. Au sein de The New Siècle, elle orchestre les formats exclusifs : Interview, 1 Min Chrono, Le Versus et Entretien avec l’IA. Quelle que soit la thématique, intelligence artificielle, innovations, gaming, elle traque toujours l’intention. Ce que cela change. Pour qui, et pourquoi. Ses phrases, souvent courtes et rythmées, sont sa signature intellectuelle.
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