
IA et droits d’auteur : Spotify, TikTok, YouTube… qui gagnera le procès du siècle ?
Rien ni personne n’échappe à l’intelligence artificielle générative et à ses dérives. Elle s’impose désormais comme un trublion dans l’industrie musicale. Voix clonées, lyrics volés et parfois même des morceaux entiers produits sans intervention humaine, les contenus générés par l’IA se multiplient sur les grandes plateformes comme Spotify, TikTok ou YouTube. Et les tensions avec les ayants droit aussi. Au cœur du débat : la légitimité des œuvres créées par des machines et les responsabilités juridiques des diffuseurs… En l’absence criante d’un cadre légal clair, un bras de fer mondial s’engage entre les géants du secteur.
Un cadre légal dépassé face à l’essor des intelligences génératives
Une accélération technologique hors des radars législatifs
Les outils d’IA capables d’imiter des artistes ou de composer des morceaux en quelques secondes ont pris de cours les institutions juridiques. La notion de droit auteur à de tout temps reposée sur la création humaine, mais qu’en est-il aujourd’hui des contenus créés par l’IA générative ? Qui est titulaire du copyright d’un morceau composé par un algorithme ? Le développeur ? L’utilisateur ? Ou personne ?
Face à ce flou, les plateformes adoptent des positions ambivalentes. Spotify, par exemple, a reconnu héberger des titres créés par IA sans toujours parvenir à les identifier. Une incapacité à modérer ce type de contenus qui alimente les inquiétudes des artistes et des labels, mais aussi des régulateurs.
Le vide juridique comme angle mort stratégique
Certains pays ont donc décidé de réagir. En Europe, la directive sur le droit d’auteur de 2019 n’intégrait pas explicitement l’IA, qui n’existait pas encore… Mais des ajustements sont en cours dans le cadre de l’AI Act. Le Japon, toujours friand de nouvelles technologies, a de son côté adopté une approche plus permissive en autorisant l’usage d’œuvres pour entraîner des IA. Les États-Unis, plus prudents sur ce type de sujets, tergiversent et multiplient les consultations sans réellement trancher sur la titularité des droits liés aux productions IA.
En l’absence d’un cadre international harmonisé, les majors comme Universal Music Group tentent de prendre les devants et d’imposer leurs propres règles : coups de pression sur les plateformes, négociations d’accords bilatéraux…, elles occupent le terrain et le vide juridique en défendant leurs intérêts.
L'Europe régule pendant que les États-Unis temporisent
Un début d’encadrement en Europe
Entré en vigueur depuis le 1ᵉʳ août 2024, l’AI Act européen commence à prendre forme. Depuis février 2025, certaines interdictions (notamment pour les systèmes d’IA jugés à risque inacceptable) sont censées déjà s’appliquer. Le texte prévoit, dès le mois prochain, des mesures plus ciblées pour les plateformes. Il devrait être par exemple obligatoire d’indiquer si un contenu a été généré sans intervention humaine. Reste que la loi, malgré son ambition, ne résout toujours pas la question clé des droits d’auteur pour ces œuvres hybrides.
Outre-Atlantique, lobbying et statu quo
Aux États-Unis, la question des responsabilités juridiques des plateformes face aux deepfakes musicaux ou aux chansons clonées reste sans réponse claire. L’US Copyright Office a statué qu’un contenu généré exclusivement par une IA ne pouvait pas faire l’objet d’un droit d’auteur. Mais cette position ne règle pas le cas d’œuvres hybrides mêlant intervention humaine et automatisation algorithmique.
Le bras de fer entre Universal et les plateformes
Universal passe à l’offensive face aux contenus clonés
En avril 2023, Universal Music Group a formellement demandé à Spotify et à TikTok de retirer des contenus générés par IA imitant la voix ou le style de ses artistes. L’un des cas emblématiques fut celui de la chanson virale « Heart on My Sleeve », prétendument chantée par Drake et The Weeknd (tous deux sous contrat chez Universal), mais en réalité conçue intégralement par une IA.
L’affaire a révélé les limites des systèmes de détection automatique à l’usage aujourd’hui. Plus grave, ces contenus bénéficient parfois d’une monétisation active sur les plateformes, créant une rente illicite pour des créateurs anonymes, en dehors de tous les radars.
Entre suppressions symboliques et compromis tacites
Sous pression, Spotify a supprimé des dizaines de milliers de morceaux issus de la startup Boomy, soupçonnée d’avoir généré automatiquement des titres avec des voix clonées. TikTok a lui renforcé ses politiques de contenu, tout en continuant d’expérimenter ses propres outils d’IA vocale.
Mais ces mesures restent largement perçues comme cosmétiques. En coulisse, les plateformes cherchent surtout à négocier des accords globaux avec les majors pour continuer d’héberger certains contenus IA, tout en partageant les bénéfices.
Créateurs contre algorithmes en quête d’un équilibre
Les artistes ne veulent plus jouer sans règles
Face à cette vague de contenus artificiels, de plus en plus d’artistes exigent une traçabilité des œuvres générées par IA, ainsi que de véritables garanties quant à l’usage de leur voix ou leur style. Ed Sheeran, Billie Eilish ou Nick Cave, ont publiquement dénoncé ces pratiques.
L’entraînement des IA devient le nouveau champ de bataille juridique
Un autre point sensible est l’usage des œuvres existantes pour entraîner les modèles d’IA. Peut-on utiliser sans autorisation des millions de chansons pour améliorer un algorithme de composition ? Les artistes demandent légitimement à être rémunérés pour cette exploitation invisible, comme ils le sont par exemple pour le streaming. Plusieurs procès sont en cours à ce sujet, et pourraient définir la jurisprudence à venir.
Une industrie sous tension, un droit à réécrire
Spotify, TikTok, YouTube et consorts se retrouvent à un moment charnière de leur histoire. Doivent-ils choisir entre innovation et régulation, ouverture technologique et devoir de vigilance ? À ces questions essentielles, les réponses ne permettront pas seulement de décider qui détient les droits d’un morceau généré par IA, mais aussi de savoir ce que créer signifie au XXIe siècle.

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