Hublot, l’enfant terrible de l’horlogerie devenu une maison clé du groupe LVMH
Depuis 1980, année de sa création, Hublot avance à contre-courant de l’horlogerie suisse. Carlo Crocco, son fondateur, s’était donné un cap simple et téméraire… être le premier, être unique, être différent du code horloger. L’esprit d’avant-garde se loge dans chaque détail, depuis le choix de matériaux comme le titane, l’un des matériaux signature de la montre depuis les années 2000, jusqu’à la rencontre entre savoir-faire et recherche. Le design est intégré comme un terrain d’expérimentation plus que comme un simple ornement, ce qui complète ce jeu d’équilibre. Ces choix assumés dessinent une identité forte, visible autant dans les vitrines que sur les bilans. Une trajectoire que LVMH repère dès 2008 (et que le groupe ne tarde pas à intégrer à son cercle de maisons stratégiques).
La maison Hublot a-t-elle vraiment bousculé l’horlogerie suisse ?
L’horlogerie suisse se définit par des codes ancestraux, véritables socles de légitimité. Mais dès sa création, Hublot bouscule un secteur cadenassé. Au lancement, Carlo Crocco décide d’associer l’or d’une montre au caoutchouc naturel du bracelet. Une approche qui définit sa stratégie autour du concept de la « Fusion ». Là où certains y voient une hérésie, d’autres saluent la prise de risque. Il faudra cependant attendre 2005 et l’arrivée de la collection Big Bang (sous la direction de Jean-Claude Biver) pour que le concept devienne la stratégie générale de l’entreprise.
Hublot développe et brevète l’Or Magique, un alliage d’or presque inrayable qui se retrouve dans son cadran gold. Il associe cette création au saphir transparent ou à une céramique grey racing pour le boîtier. Une prouesse technique qui démontre les expérimentations d’une maison soucieuse de maîtriser les matières high-tech tout en restant dans un code horloger. Mais la marque ne mise pas tout sur un design à la fois spectaculaire et décalé. Au fil des ans, la Maison Hublot a évolué pour acquérir une solidité technique. La preuve avec ses collections modernes, qui incluent des pièces avec le mouvement Chronograph Unico à remontage automatique. Certaines montres possèdent également un bracelet intégré en titane. Capable de s’adapter aux exigences de sa clientèle privilégiée, Hublot suit les tendances et se réinvente. La preuve avec ses modèles carrés en vogue, comme la Square Bang, qui suit l’engouement pour les montres de luxe carrées comme la Cartier Santos et la Cartier Tank.
Le mécanisme du succès, quel secret fait battre Hublot ?
La volonté de faire dialoguer l’innovation technique au positionnement de marque axé sur l’exclusivité explique la réussite d’Hublot. Cette approche séduit le marché, qui réagit favorablement et fait exploser les ventes. La collection Big Bang devient un best-seller. Si les puristes de la haute horlogerie émettent des réserves face au design moderne de la montre, elle séduit une clientèle plus jeune, attirée notamment par les campagnes décalées.
Même lorsqu’Hublot décide d’opter pour des modèles plus sobres, à l’image de la Classic Fusion, le succès est au rendez-vous. Les amateurs n’apprécient pas seulement l’audace visuelle, mais aussi une montre comme accessoire synonyme d’élégance au quotidien. Enfin, le marketing sportif contribue au développement international d’Hublot. Grâce à des partenariats avec FIFA ou Ferrari, la marque développe son identité. Or, cette dynamique de performance commerciale et ce travail sur son image font de la marque une cible de choix pour l’acquisition.
L’équilibre entre esprit rebelle et légitimité institutionnelle de LVMH
En 2008, LVMH achète Hublot et offre à la marque une nouvelle légitimité institutionnelle, en plus de moyens financiers bien plus importants. Certes, grâce à Jean-Claude Biver, Hublot a multiplié par dix son chiffre d’affaires en quelques années seulement. Mais avec le groupe français, les financements permettent un développement général. De son côté, le numéro un mondial du luxe s’offre un moteur de rentabilité et de croissance avec un dynamisme unique.
L’acquisition par un géant du luxe fait-elle perdre à la marque de montre Hublot son esprit disruptif au profit de la rentabilité ? C’est toujours une crainte pour les adeptes d’une marque qui se retrouve entre les mains d’une entreprise soucieuse de multiplier les profits. Certes, LVMH participe à structurer la marque (optimisation du service client, rationalisation de la stratégie produit). Mais Hublot continue de repousser les limites en horlogerie, comme en témoignent ses créations en saphir intégral ou ses modèles qui intègrent des mouvements mécaniques innovants et un cadre en or. Hublot reste un moteur d’innovation pour le groupe, même si la concurrence, notamment celle portée par une innovation technique comme la Richard Mille RM 75-01, est féroce.
L’audace est donc toujours au rendez-vous. Cet achat est bien la preuve qu’il est possible de conjuguer la fougue créatrice à la puissance logistique d’un grand groupe de luxe. Reste à savoir si Hublot pourra maintenir sa position, alors qu’une nouvelle génération de marques innovantes ose aussi une rupture radicale des codes de la haute horlogerie. Elles veulent aussi mettre en avant des montres de collection qui combinent savoir-faire et audace.
Pierre Lacoste
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