
Après la Machina, Hopium se recentre sur les piles à combustible pour la mobilité hydrogène
Rarement une telle épopée n’aura autant alimenté les conversations et agité les marchés financiers. Hopium, qui sort tout juste d’un redressement judiciaire, a été autorisée à reprendre ses activités une fois son plan de redressement validé par le tribunal. Une bonne nouvelle pour la start-up française qui opère un savant virage industriel en renonçant à son ambitieux projet de berline hydrogène haut de gamme pour recentrer sa stratégie sur le développement de piles à combustible modulaires. Son objectif : faire table rase des mauvais souvenirs et s’imposer dans la mobilité hydrogène lourde.
Pourquoi Hopium abandonne la Machina ?
Initialement présentée comme la première voiture hydrogène de luxe made in France, la Machina n’aura jamais vu le jour. En juillet 2023, Hopium est placée en redressement judiciaire. Le projet automobile, jugé trop cher et complexe à industrialiser, est stoppé. L’entreprise reconnaît avoir sous-estimé les défis de la fabrication d’un véhicule complet et choisit désormais de capitaliser sur ses acquis technologiques en se concentrant sur la pile à combustible.
Cette technologie, au cœur de la Machina, devient le nouveau centre de gravité de Hopium, qui réoriente son activité vers une logique B2B visant à fournir des systèmes de production d’énergie hydrogène aux industriels du transport.
Les piles à combustible, cœur de la mobilité hydrogène
Une technologie déjà mature, en voie d’industrialisation
Hopium développe une gamme de piles à combustible de 100 à 400 kW, adaptées au transport lourd (camions, bus, applications maritimes et aéronautiques). Leur principal atout est double : une densité de puissance de 4 kW par litre et un poids inférieur à 25 kg pour le module 100 kW. Des performances bien supérieures à la moyenne du secteur.
Ces piles à combustible sont testées sur bancs dynamiques, et Hopium vise la norme TRL 8 d’ici fin 2025, preuve de sa volonté d’accélérer l’assemblage et l’industrialisation et de mettre au plus vite ses produits sur le marché.
Des applications au-delà de l'automobile
Contrairement à la Machina, produit grand public, les piles à combustible de Hopium sont désormais destinées à des marchés professionnels, plus solvables et stratégiques : transport collectif, navires côtiers, voire drones industriels. En mars dernier, Hopium a lancé les tests de son système de 200 kW en version maritime, en partenariat avec KChallenge. Ces essais ont porté sur des bancs d’essai jusqu’à l’intégration dans une embarcation de 10 à 15 m.
Pourquoi les piles à combustible sont-elles plus adaptées que les batteries ou le thermique ?
Dans les secteurs du transport lourd ou longue distance, les piles à combustible offrent plusieurs avantages compétitifs clés. Contrairement aux batteries, elles permettent un ravitaillement en un temps record (3 à 5 minutes contre plusieurs heures pour une recharge électrique), et conservent leur efficacité dans les environnements extrêmes. Enfin, à puissance équivalente, elles sont bien plus légères que leurs concurrentes.
Autre atout de taille, écologique cette fois : lorsqu’elles sont alimentées par un hydrogène produit à partir de sources renouvelables, les piles à hydrogène présentent un bilan carbone neutre. Ce qui est loin d’être le cas pour les motorisations thermiques. Elles ne génèrent donc plus d’émissions polluantes locales (NOx, particules), ce qui constitue un avantage décisif dans les zones à faibles émissions (ZFE) ou les environnements portuaires. Enfin, leur modularité (de 100 à 400 kW chez Hopium) permet une intégration flexible à bord de différents types de véhicules ou plateformes industrielles.
Hopium et sa nouvelle stratégie économique
Un recentrage industriel en Auvergne-Rhône-Alpes
L’entreprise a installé son site de production et d’assemblage à Saint-Bonnet-de-Mure, près de Lyon. Ce site de 1 000 m² accueille les unités de prototypage, de R&D et de tests, et bénéficie de la proximité du tissu industriel dynamique de la région Rhône-Alpes.
Une gouvernance renouvelée
Sous la direction de Stéphane Rabatel, ancien de Renault et d’Airbus, Hopium mise sur une approche plus pragmatique : externalisation des composants sensibles, focalisation sur l’intégration logicielle et la conception système, recherche de co-industrialisation avec des partenaires du secteur hydrogène.
Une feuille de route financière resserrée
Le plan de redressement d’Hopium prévoit une levée de fonds de 8 M€ en 2025 pour finaliser les développements. Le fabricant a d’ores et déjà obtenu des engagements intermédiaires des investisseurs historiques pour environ 2,2 M€, en Droit Préférentiel de Souscription (DPS). Si tout se passe bien, un second tour de 30 M€ est programmé d’ici à 2028. Avec des pertes réduites à 3,6 M€ au premier semestre 2024, les feux sont au vert et les premiers revenus ne devraient plus tarder.
Un repositionnement pour devenir un acteur-clé de la décarbonation
En se recentrant sur les piles à combustible, Hopium fait le pari de la spécialisation technologique plutôt que de l’intégration verticale. Ce repositionnement correspond à une tendance lourde et à une volonté politique, celles de la décarbonation du transport lourd et des mobilités industrielles.
Hopium renonce au rêve automobile, mais pourrait, en tant que fournisseur de systèmes hydrogène performants, trouver une place de choix dans un marché en pleine structuration, et vertueux.
La mobilité hydrogène : un enjeu stratégique européen
L’orientation de Hopium vers les piles à combustible s’inscrit dans un contexte plus large et éminament politique. L’Union européenne a en effet fixé l’objectif ambitieux d’atteindre 6 GW de production d’hydrogène vert d’ici à la fin de cette année et 40 GW en 2030. Des programmes comme IPCEI Hydrogen soutiennent la structuration d’une filière européenne, avec des subventions massives à la clé.
En France, un plan national baptisé France Hydrogène 2030 mobilise 9 milliards d’euros, dont 1,5 milliard pour les mobilités lourdes. Des acteurs comme Symbio, Plastic Omnium ou Forvia développent, eux aussi, des solutions industrielles, mais peu de structures s’alignent aussi précisément que Hopium sur le créneau modulaire et haut de gamme.
Cette dynamique ouvre un espace stratégique pour les entreprises capables de fournir des briques technologiques prêtes à l’intégration, particulièrement dans les secteurs du ferroviaire, du maritime ou de l’aéronautique légère.
Un virage industriel décisif pour Hopium
En abandonnant la Machina pour se recentrer sur les piles à combustible, Hopium fait preuve d’une lucidité industrielle rare dans l’écosystème tech français. Ce repositionnement, bien que contraint, reflète une volonté claire d’aligner sa technologie sur les besoins concrets du transport décarboné. Reste désormais à transformer l’essai industriel en réussite commerciale, dans un contexte où la souveraineté énergétique et la mobilité hydrogène sont appelées à jouer un rôle stratégique en Europe.

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