Comment Jul, le rappeur, a fait de son label D’Or et de Platine une machine à cash…
Depuis plus d’une décennie, Jul enchaîne records d’écoutes et ventes massives. Pourtant, son vrai coup stratégique se joue avec la création du label indépendant D’Or et de Platine, lui permettant de garder la main sur chaque revenu. Un modèle économique en marge des majors, qui fait du rappeur un entrepreneur aussi redoutable qu’un artiste prolifique. The New Siècle décrypte l’un des empires les plus solides de la scène musicale française.
Le streaming comme rente, le physique comme coffre-fort
Ses projets successifs creusent un sillon chiffré dont peu d’artistes peuvent se targuer. En 2025, Jul, Julien Mari de son vrai nom, a franchi la barre des 11,9 milliards de streams sur Spotify. Aucune autre figure française ne tutoie ce niveau, Gims par exemple, pourtant armé d’un rayonnement international, plafonne à 6,6 milliards… Le compteur de l’artiste corso-marseillais ne s’arrête pas là et aligne plus d’un milliard de streams supplémentaires chaque année. À raison de 0,003 à 0,005 dollar par écoute, cette audience représente entre 8 et 9 millions d’euros par an, toutes plateformes de streaming confondues.
Son rythme de production effréné, avec au minimum deux projets par an, entretient une rotation permanente dans les bacs et sur les plateformes. Depuis 2013, plus de six millions de disques vendus, soit environ 78 millions d’euros générés. Si certains y voient du « fast-food musical », cette logique d’hyper-volume s’avère efficace pour saturer le marché. À ce flux s’ajoute un palmarès de certifications rarement égalé : disques de diamant, multiples disques d’or, doubles platines à la chaîne…
Chaque sortie est pensée comme une opération marketing coup de poing, comme l’illustre celle de son album « D&P à vie » en avril 2025, qui s’est écoulé à plus de 123 000 exemplaires en une semaine. Précommandes groupées, packs inédits (tee-shirt, clé USB, billets de concert cachés), pop-up exclusif à Citadium Paris pris d’assaut par les fans. Dès sa commercialisation, le projet atteignait déjà le disque d’or, et trois jours plus tard il passait platine. La première semaine aurait rapporté à elle seule près de 2 millions d’euros, sans tenir compte du merchandising associé.
Le business du label indépendant, une mécanique parfaitement huilée
En 2015, après une expérience houleuse avec la Liga One Industry, Jul coupe les ponts et fonde son propre label, D’Or et de Platine, pour garder la main sur sa musique et ses revenus. Dès lors, son indépendance s’est affirmée comme la pièce maîtresse d’une stratégie financière millimétrée. Production, distribution, promotion, marketing… Rien n’échappe à son équipe réduite qui fonctionne comme une start-up.
Cette autonomie change tout, en effet, lorsqu’un artiste signe un contrat auprès d’une maison de disques major, il abandonne jusqu’à 80 % de ses bénéfices. Jul, lui, conserve autour de 70 à 85 % de ce que génère ses œuvres. Une marge qui lui permet d’investir massivement dans ses projets, de produire des albums gratuits pour ses fans et de financer une stratégie de branding cohérente à long terme.
Un marketing calibré pour sa communauté
Le merchandising est devenu un pilier à part entière, entre le site D’Or et de Platine et des collaborations devenues très visibles. Jul a signé avec Asics et Reebok pour des paires de baskets en séries spéciales. En 2023, il s’est associé à Oasis avec des canettes en édition limitée et une mise en scène dans l’un de ses clips où les célèbres fruits de la marque portent son merch tout en imitant le fameux « signe Jul ». Même le football a pris part à l’aventure puisque le logo D’Or et de Platine figure depuis deux ans sur le maillot de l’Olympique de Marseille.
Le rappeur a compris que la proximité avec sa fanbase (qu’il a rebaptisé la « team Jul ») valait tous les plans médias. Son modèle repose, entre autres, sur une relation organique avec le public via les réseaux sociaux. Les albums gratuits publiés régulièrement sur les plateformes, dont le 8ème date de septembre 2025, renforcent un sentiment d’authenticité et d’appartenance.
Quand la scène nourrit l’immobilier et consolide l’empire Jul
Un Stade de France en avril 2025, deux Vélodromes le mois suivant, deux ou trois showcases chaque été… Tous les concerts (et ils se font rares) sont des accélérateurs de revenus. Sa date au Stade de France par exemple, complet en quelques minutes après la mise en ligne des billets, a généré plus de 4,5 millions d’euros nets.
Un chiffre conséquent, prolongé par une initiative rare dans le rap français : la retransmission au cinéma. Fin octobre et début novembre 2025, le show passe sur grand écran en France, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse, avec des billets disponibles directement sur le shop D’Or et de Platine (encore). Une manière de prolonger l’expérience pour celles et ceux qui n’ont jamais réussi à entrer dans le stade tout en ajoutant une nouvelle source de revenus à l’équation, ou plutôt à un engrenage qui s’auto-alimente. L’album nourrit la tournée, la tournée relance les streams, les streams dopent le merch… et l’expérience se prolonge maintenant jusqu’aux salles obscures.
D’ailleurs, Jul, dont la fortune était estimée entre 20 et 25 millions en 2023, a cherché à donner une assise plus large à sa carrière, en dehors des studios et des scènes. En 2018, il a créé NATJU, une société civile immobilière qui fonctionne comme une holding patrimoniale, pensée pour verrouiller ses revenus sur le long terme. Plusieurs biens locatifs s’ajoutent depuis à ce portefeuille, assurant une rente stable et durable. Un choix qui le place dans une logique entrepreneuriale de bâtisseur où l’immobilier lui permet de diversifier son empire dans une valeur sûre : la pierre.
Quand la plupart des artistes préfèrent s’entourer de majors, Jul lui décide de monter son propre écosystème. Cette liberté créative s’appuie sur une stratégie financière pensée au cordeau qui fait de lui une figure singulière du rap hexagonal. Au-delà de faire partie des artistes les plus streamés du pays, il incarne une nouvelle image de l’entrepreneur, qui peut parfois déranger, qui peut surtout inspirer…
Juliette Lamy
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