
Neuralink, et si l’interface neuronale débutait par une cicatrice au cerveau ?
Une puce reliant directement votre cerveau à un ordinateur : voilà le projet que développe Neuralink, l’entreprise fondée par Elon Musk en 2016. Après des années d’essais sur des animaux, les premiers implants ont été posés sur des humains début 2024. Elon Musk et son équipe annoncent depuis des années la possibilité de restaurer des fonctions perdues de patients atteints de paralysie. The New Siècle décrypte les limites technologiques et humaines que le projet soulève.
Le cerveau, nouveau terrain d’ingénierie
Depuis presque dix ans maintenant, Neuralink ambitionne de créer un lien direct entre l’activité neuronale et la robotique grâce à une puce dans le cerveau. Comme pour les autres entreprises d’Elon Musk, le projet traduit la même philosophie, celle de transformer des idées de science-fiction en innovations concrètes souvent à la frontière du réalisable. Mais en quoi cela consiste, exactement ? De son nom scientifique interface cerveau-ordinateur, ou BCI (Brain-Computer Interface), ce projet consiste à traduire l’activité électrique du cerveau en commandes numériques. Dans les faits, des électrodes captent les signaux neuronaux, un algorithme les décode puis transmet les instructions à un appareil externe, tout cela, sans fil afin de générer une pensée numérique. Un mélange de neurosciences appliquées et médecine, voilà la devise de Neuralink.
L’objectif initial de Neuralink est de redonner de l’autonomie aux personnes paralysées ou atteintes de maladies neurodégénératives. Et c’est ce qui a été fait une première fois en janvier 2024. Noland Arbaugh, tétraplégique après un accident de plongée, est devenu le premier humain à recevoir un implant Neuralink. Il s’agissait d’un essai clinique préliminaire qui a débuté par son opération, le 28 janvier. Moins de deux mois plus tard, le 21 mars, Neuralink a diffusé une vidéo de Noland Arbaugh jouant aux échecs en ligne… uniquement par la pensée ! Suite à des complications techniques après cette première opération (rétraction de fils et perte partielle de fonctionnalité notamment), Neuralink a déclaré avoir fait des ajustements. Après un deuxième patient en août 2024, deux nouveaux volontaires ont reçu l’implant à l’automne 2025.
Concrètement, le dispositif d’implant cérébral de Neuralink est une puce neuronale de la taille d’une pièce de monnaie, appelée « N1 », insérée dans le crâne. Elle contient pas moins de 1 024 électrodes réparties sur 64 fils ultraminces, plus fins qu’un cheveu humain. Ces fils sont implantés dans le cortex moteur à l’aide d’un robot chirurgical, appelé « R1 », qui les insère avec une précision micrométrique. La puce, qui se recharge par induction, enregistre l’activité cérébrale avant de la transmettre sans fil à un ordinateur.
Quand la pensée devient commande
Pour les personnes atteintes de paralysie, de lésions de la moelle épinière ou de sclérose latérale amyotrophique (SLA), l’implant cérébral de Neuralink pourrait redonner une autonomie perdue. On parle de contrôler un fauteuil roulant, écrire un message ou allumer la lumière… simplement en y pensant. C’est même déjà une réalité (certes, limitée) pour les premiers patients testés. Et Neuralink a d’encore plus grandes ambitions.
L’entreprise souhaiterait aussi traiter grâce à son implant cérébral des maladies dégénératives comme Parkinson ou l’épilepsie. En stimulant électriquement certaines zones du cerveau, l’implant pourrait réguler les tremblements, réduire les crises ou même améliorer la mémoire. Si on pousse la perspective encore plus loin, un BCI (Brain-Computer Interface ou Interface Neuronale Directe en français) pourrait soutenir une rééducation avancée chez les patients touchés par un AVC.
Même si tout cela est encore théorique (aucun essai clinique n’a été fait dans ce sens), Elon Musk va déjà plus loin. Son objectif ultime est de « fusionner » l’humain et l’intelligence artificielle. Il n’hésite pas à parler d’augmentation humaine, utilisant même le mot « déverrouiller » la condition humaine. Pour lui, Neuralink va au-delà de la guérison des malades. Télécharger des connaissances, communiquer par télépathie numérique ou décupler ses capacités cognitives, voilà le fantasme transhumaniste de l’un des hommes les plus riches du monde. Un futur heureusement encore lointain… qui soulève de vives inquiétudes auprès de la communauté scientifique.
La part d’ombre des implants neuronaux
Mettre en place un implant cérébral à but d’y associer une pensée numérique est une chirurgie lourde. Très lourde. Il faut percer le crâne et insérer des fils dans le tissu cérébral tout en s’assurant qu’ils ne bougent pas. Les risques de santé d’implanter une pensée numérique avec le projet de Neuralink sont réels : infections, saignements, rejet de l’implant ou encore formation de tissu cicatriciel qui bloque les signaux. Au-delà du risque chirurgical, il y a aussi la question de la confidentialité. Un implant qui lit vos pensées, c’est un appareil qui enregistre vos données cérébrales. Qui possède ces informations ? Qui peut y accéder ? Des questions plus que légitimes.
Les débats éthiques autour de la modification du cerveau humain sont nombreux. Faut-il autoriser des implants non médicaux, destinés à « déverrouiller », comme le dit Elon Musk, les capacités d’une personne en bonne santé ? Que se passe-t-il si ces technologies creusent un fossé entre ceux qui ont les moyens de s’améliorer… et les autres ? Surtout, jusqu’où peut-on modifier le cerveau sans perdre son identité via la pensée numérique ? Aussi perfectionnée soit-elle, une chirurgie cérébrale robotisée touche au territoire le plus énigmatique du corps humain. La conscience, le sommeil, la pensée même… Autant de zones encore mal déchiffrées.
Si la promesse d’un traitement pour les maladies dégénératives par la pensée numérique nourrit l’espoir, Neuralink rappelle aussi les limites d’une science qui s’aventure dans l’intime. Entre prouesse technologique et vertige éthique, la frontière se brouille… Avec, derrière cette quête de guérison, le rêve troublant d’un humain amplifié.

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