Aux origines d’un projet venu du Nord

L’histoire commence en 2021, à Helsinki. Deux ingénieurs, Niko Eiden et Ville Miettinen, décident de s’attaquer à la presbytie. Pas un gadget, pas une extension vers la réalité augmentée, mais une réponse à un besoin universel. Eiden a roulé sa bosse chez Nokia, puis cofondé Varjo (spécialiste des casques de réalité mixte). Miettinen, lui, est une figure reconnue des technologies immersives. Ensemble, ils débauchent une cinquantaine de chercheurs et d’ingénieurs dans l’aventure. Aujourd’hui, IXI revendique plus d’une dizaine de brevets déposés. Le chiffre donne le vertige (pour une start-up à peine sortie de l’ombre, un arsenal digne d’un géant).

Une mécanique qui imite l’œil

Tout repose sur un duo surprenant. Un capteur oculaire ultra-efficace et des verres à cristaux liquides intelligents. Le regard change de distance ? Le capteur le suit en silence, en envoyant de très brèves impulsions lumineuses pour mesurer les réflexions de l’œil. Il devine ainsi la distance, puis transmet le signal. Les cristaux liquides réagissent en une fraction de seconde (à peine 0,2 seconde) assez rapidement pour que le cerveau ne perçoive même pas le décalage. Un délai qui équivaut à un battement de cil… mais la sensation, elle, est fluide, naturelle. 

On finit par oublier la technologie, tant elle se fait oublier. Les zones floues disparaissent. Le tête qui oscille à la recherche de l’angle juste, ce réflexe précautionneux, oublié aussi. Le champ visuel redevient libre, comme si l’œil ne dépendait plus d’une mécanique capricieuse mais d’un mouvement libre. Et tout cela tient dans une monture discrète, qui ne trahit rien. Au sein du cadre, une batterie fine comme un fil conducteur, pimpante et endurante, autorise deux jours d’autonomie, de quoi passer un week-end entier sans recharge. Et si elle faiblit, la monture continue d’offrir la correction voulue, grâce aux éléments optiques traditionnels qui y sont intégrés.

Pourquoi ce n’est plus une simple paire de lunettes ?

On y lit une forme de défi adressé aux verres progressifs. Pendant des décennies, ils représentaient le compromis. Des zones de vision, des contraintes acceptées. Avec IXI, ce compromis s’efface. Ces lunettes avec une mise au point automatique offrent un champ de vision complet, une vision nette instantanée, une correction qui se fait oublier. Le constat est implacable. Lire, conduire, cuisiner, travailler sur écran… tout redevient fluide. Une presbytie intelligente, en somme. Et sans manipulation, sans effort conscient.

Argent levé, ambitions affichées

Pour financer cette bascule, IXI a sécurisé au printemps 2025 un tour de table de 36,5 millions de dollars, mené par Plural et soutenu par l’Amazon Alexa Fund. Une enveloppe qui sert à densifier la R&D, mais aussi à préparer l’industrialisation. Depuis, la jeune pousse a élargi ses équipes et multiplié les dépôts de brevets. 

Les premières démonstrations publiques, un temps annoncées pour 2025, s’affinent. Elles devraient intervenir d’ici la fin de l’année, avant un lancement progressif sur certains marchés tests. L’attente grandit, car l’optique mondiale pèse désormais plus de 200 milliards de dollars et poursuit une croissance annuelle proche de 9 %. Le chiffre donne le vertige, et il attire déjà l’attention des distributeurs comme des géants de la santé. Le pari reste exigeant. Transparence parfaite des verres, miniaturisation électronique, confort prolongé, certification médicale… Autant de conditions qui restent encore à valider. Mais l’écho résonne et les acteurs historiques savent qu’ils n’ont plus le luxe de rester spectateurs.

Un terrain de jeu disputé

IXI ne trace pas seule sa route. À Lyon, Laclarée fait entendre sa voix. La startup, fondée par Bruno Berge, n’en est plus à ses premiers essais. Après avoir levé 3,5 millions d’euros début 2025, elle vise une commercialisation prévue pour mi-2026. Sa technologie repose sur un système électro-fluidique breveté qui ajuste la focale en temps réel, tout en maintenant une qualité optique élégante et personnalisée.

De l’autre côté de la frontière belge, Morrow Optics pousse lui aussi les frontières de l’optique. Ses lunettes eProgressive proposent un autofocus électronique déclenchable sur simple pression, un champ de vision élargi, la disparition des aberrations périphériques, le tout activé en environ 0,6 seconde. Et ce n’est pas qu’à l’état de projet, puisque Morrow a déjà conclu un partenariat stratégique avec Novacel Optical, visant une distribution en France et en Suisse à partir de 2024. Plus encore, elle a attiré les regards de Zeiss Ventures, qui l’a rejointe financièrement, portant ses fonds à plus de 25 millions d’euros et permettant la production de lunettes électroniques imprimées en 3D, dès aujourd’hui disponibles à la vente.

Le constat est implacable. IXI promet un futur où la vision ne se négocie plus. Un futur où l’optique médicale s’adosse à l’électronique de précision. Un futur où les lunettes à mise au point automatique balayent les compromis hérités des verres progressifs. Le verdict est clair. Si la promesse tient, la page se tournera bien plus vite qu’on ne l’imagine. Une rupture assumée, presque déjà inévitable…

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Nom d'auteur Juliette Lamy
Juliette Lamy a fait ses armes dans l’audiovisuel puis à la rédaction de Gala.fr et Webedia. Au sein de The New Siècle, elle orchestre les formats exclusifs : Interview, 1 Min Chrono, Le Versus et Entretien avec l’IA. Quelle que soit la thématique, intelligence artificielle, innovations, gaming, elle traque toujours l’intention. Ce que cela change, pour qui... et surtout pourquoi.
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