
Pourquoi les fonds de private equity accumulent plus de 1 000 milliards de dollars d’actifs ?
Les fonds de private equity sont-ils trop riches ? Curieuse question que l’on se pose pourtant légitimement alors que le secteur est confronté à une situation inédite. En 2025, plus de 1 000 milliards de dollars d’actifs restent non déployés. Cet étrange phénomène, baptisé « dry powder », était autrefois d’excellent augure et synonyme de dynamisme financier. Aujourd’hui, il cristallise les tensions structurelles du marché mondial du capital-investissement. Entre valorisations délirantes, taux d’intérêt en flèche et complexité des opérations de sortie, les fonds voient leur modèle remis en question…
En 2025, les fonds débordent d’argent… mais ne trouvent plus où l’investir
Le paradoxe du dry powder
Le « dry powder » désigne les capitaux levés par les fonds, mais encore non investis. Des capitaux qui servent normalement à être hyper réactifs lorsqu’une opportunité se présente. Mais ils sont aujourd’hui la triste révélation d’un engorgement du marché. Ce chiffre de 1000 milliards révélé par le très réputé cabinet de conseil en stratégie Bain & Company représente un record. Une abondance de capital dormant qui ne signifie pas que les opportunités n’existent pas, mais qu’elles ne sont plus alignées sur les critères actuels demandés en termes de rendement, de risque et de valorisation.
Une baisse du deal flow significative
Conséquence de ce non-alignement : le nombre de deals conclus est en chute libre. Selon le fournisseur britannique de données Preqin, il a diminué de 25 % en Europe entre 2022 et 2024. Les valorisations des cibles, gonflées par des années de croissance à crédit, ne se sont plus en phase avec la nouvelle donne macroéconomique. Les fonds continuent de lever massivement, mais peinent à déployer. Cette inadéquation entre abondance de capital et raréfaction des cibles viables crée un effet de saturation.
Le marché des LBO tourne à vide et les deals ne bouclent plus
Le coût de la dette explose
Avec des taux d’intérêt directeurs maintenus à un niveau élevé par les banques centrales, le coût du financement d’un LBO est devenu prohibitif. En 2021, un buyout pouvait se structurer à un coût moyen de dette de 4 %. En 2025, ce taux a doublé et frôle parfois les 9 %, selon Pitchbook. Les structurations étant devenues trop complexes et la rentabilité trop incertaine, les acteurs s’enfuient.
Des valorisations toujours trop ambitieuses
À l’inverse, alors que les taux montent, les valorisations ne se corrigent pas plus vite. Le multiple d’EBITDA moyen pour les transactions reste autour de 12x en Europe, contre 10x avant 2020. Le marché reste figé entre des vendeurs encore attachés aux niveaux d’avant-crise et des acheteurs devenus plus sélectifs. Le résultat est un gel des négociations et une raréfaction drastique du deal flow.
Des participations bloquées, des sorties introuvables
IPO en pause, marchés secondaires sous tension
Pour ne rien arranger, les introductions en bourse, qui représentaient une voie privilégiée de sortie pour les fonds, se font plus rares. En 2024, le nombre d’IPO de sociétés issues du private equity a reculé de 60 % par rapport à 2021. Quant au marché secondaire, qui permettait de revendre des participations entre fonds, il est, lui aussi, congestionné, car les valorisations y sont fortement décotées, et seuls les actifs les plus performants trouvent preneur.
Durée de détention en hausse
Traditionnellement fixée à cinq ou six ans, la durée moyenne de détention des actifs par les fonds grimpe à plus de huit ans. Cette inertie génère une baisse des taux de rendement interne (IRR), et fragilise les promesses faites aux investisseurs institutionnels. Le blocage des sorties freine mécaniquement la rotation des portefeuilles, et impacte la capacité des fonds à lever de nouveaux véhicules.
Le private equity face au vertige de ses propres promesses
Des performances sous pression
L’accumulation d’actifs non investis nuit à la performance des fonds. Moins de deals conclus signifie une dilution de la rentabilité attendue. Or, de nombreux fonds avaient levé du capital en promettant des rendements à deux chiffres, difficilement tenables dans ce contexte de marché gelé. Les investisseurs institutionnels, en quête de rendement stable, commencent à exprimer leur impatience.
Une image fragilisée auprès des LPs
Pour les Limited Partners (LPs), cette paralysie crée des doutes… Comment justifier des frais de gestion sur des fonds qui n’investissent pas ? Comment arbitrer entre fonds actifs, mais survalorisés, et fonds inactifs, mais prudents ? Ce questionnement pousse certains à se tourner vers d’autres classes d’actifs (infrastructures, dette privée, voire hedge funds) plus agiles face à l’incertitude.
Le marché secondaire peut-il désengorger le private equity ?
Le marché secondaire, longtemps vu comme un amortisseur naturel, montre ses limites. Certes, il permet de réinjecter de la liquidité, mais à des conditions de plus en plus défavorables pour les vendeurs. Selon Jefferies, les remises sur la valeur nette d’inventaire (NAV) peuvent atteindre jusqu’à 30 %. Ce désalignement des prix crée un cercle vicieux, les fonds préférant conserver leurs actifs que de les brader. Ce qui aggrave encore la congestion.
Quelles perspectives pour 2026 ?
Les professionnels du secteur envisagent plusieurs pistes pour sortir de l’impasse :
- Une baisse progressive des taux pourrait relancer les LBO en 2026, à condition que les valorisations s’ajustent.
- L’essor des fonds « evergreen » ou des stratégies secondaires spécialisées pourrait fluidifier le marché.
- Certains fonds explorent des solutions hybrides, mêlant dette privée, co-investissement direct ou investissements dans des entreprises non cotées, mais matures.
Reste que le private equity devra sans doute revoir sa promesse : dans un monde plus incertain, la performance ne pourra plus reposer sur la dette bon marché et les multiples de sortie élevés. Elle devra s’appuyer sur la création de valeur opérationnelle réelle.

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