Le design spéculatif se montre critique pour imaginer le futur

Cette discipline repose sur un principe simple mais radical : on ne conçoit pas pour produire, mais pour penser. Popularisée par Anthony Dunne et Fiona Raby au Royal College of Art à Londres (RCA design spéculative), cette approche s’inscrit en rupture totale avec l’idée de design fonctionnel. Elle s’émancipe des contraintes économiques, logistiques ou technologiques du présent pour libérer une pensée critique, voire politique. L’objet n’est plus un produit, mais une fiction tangible. Un miroir inversé.

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Dans cette logique, les prototypes sont des déclencheurs. Comme cette machine à purifier l’air conçue pour un monde où respirer coûterait de l’argent, ou ces implants pour nourrir des souvenirs artificiels à la demande.

Quand les objets deviennent des récits : designers, projets, visions

Chaque objet spéculatif raconte une histoire. Et ces histoires, certains studios en ont fait leur spécialité. Au-delà du RCA, HEAD Genève design pousse aussi très loin l’expérimentation dans ce domaine. C’est là que se développent des projets hybrides, entre art contemporain, sciences sociales et prospective.

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On pense aux travaux de James Auger ou de Superflux, qui imaginent des objets pour des sociétés post-effondrement ou ultra-technologiques. Ce dernier a par exemple créé The Selfie Drone, un drone imaginé pour suivre un individu en permanence et capturer des selfies automatiquement. Ce projet questionne la surveillance, l’ego numérique et la culture du « toujours visible ».

On compte aussi les créations de Dunne & Raby, devenues iconiques, comme le robot de compagnie destiné à gérer la solitude dans un monde sans contact humain. Ces objets permettent d’aborder des enjeux éthiques complexes, comme la surveillance, la génétique, l’extinction des espèces ou l’hyperconnectivité, sans forcément proposer de réponse. Ils mettent en scène des mondes possibles, parfois absurdes mais bien souvent visionnaires.

Musées, écoles, entreprises... où le design spéculatif prend racine

Longtemps cantonné aux écoles ou aux milieux artistiques, le design spéculatif gagne désormais du terrain ailleurs que sur les bancs d’essais. Les musées s’y intéressent de près. Le Vitra Design Museum, le Design Museum de Londres ou encore le Centre Pompidou ont intégré des objets spéculatifs dans leurs expositions pour donner une approche différente des futurs possibles.

Certaines entreprises commencent aussi à se tourner vers cette méthode comme un studio d’idées créatives. Pas nécessairement pour lancer des produits, mais plutôt pour anticiper les ruptures, comprendre les attentes sociétales, expérimenter sans risque. Ikea a, par exemple, collaboré avec des designers spéculatifs pour imaginer l’alimentation du futur, et interrogé nos habitudes de consommation à l’horizon 2040.

C’est dans les écoles que le bouillonnement reste le plus fort. À HEAD Genève ou au RCA, mais aussi à l’EnsAD à Paris ou à l’ECAL en Suisse, on pousse les étudiants à produire des objets qui n’ont aucune vocation marchande. Des artefacts qui ouvrent des conversations.

Utopie conceptuelle ou outil d’avenir ?

Certains jugeront ces objets sans valeur parce qu’ils ne « servent » à rien. D’autres y voient un nouveau chemin de réflexion. Ce que personne ne peut nier c’est que dans un monde saturé de produits, d’innovations instantanées et de cycles industriels ultra-courts, le design spéculatif propose un ralentissement. Une respiration qui n’a rien à voir avec un brief marketing et qui rend visible l’invisible.

Il permet aussi de s’approprier collectivement le futur. Au lieu de le subir comme une fatalité technologique, il devient un espace de débat. C’est ce que cherche à faire la plateforme SpeculativeEdu, qui recense projets, écoles et publications sur le sujet. Ou encore la collection ‘Design Fiction’ aux éditions Birkhäuser, qui regroupe les réflexions les plus poussées dans le domaine.

Le design spéculatif et les objets du futur ne sont donc pas qu’un jeu d’école. En racontant des histoires qu’on n’avait pas prévues, ces objets nous rappellent qu’il existe toujours d’autres chemins.

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Nom d'auteur Mouchka Sellam
Fine connaisseuse des adresses les plus prestigieuses de Paris, Moucha Sellam explore depuis plus de 10 ans les adresses les palaces, spas ultra luxe, tables étoilées et lieux confidentiels. C’est au service des lecteurs The New Siècle qu’elle partage sa vision exigeante et sincère de l’univers du luxe sensoriel. Toujours à l’avant-garde, elle teste, enquête puis raconte à travers des rédactions immersives.
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