Des résidences éphémères de six mois, dans des lieux reculés situés en Italie, au Cambodge, au Brésil, au Maroc, ou encore au Japon, où chaque voyage permet de s’immerger dans les cultures locales. Ce modèle, aussi poétique que difficile à financer, s’inscrit pourtant dans un marché global en expansion : celui du luxe expérientiel, entièrement façonné autour du désir singulier de l’hôte.

Dans cette interview exclusive, The New Siècle s’est entretenu avec Thierry Teyssier sur la singularité d’un modèle axé sur l’éphémère, et les enjeux de l’itinérance face à une économie de marché misant plutôt sur l’ancrage.

I. Un luxe qui ne dit pas son nom

Dar Ahlam, votre “Maison des Rêves”, ouverte en 2002 dans une casbah de la palmeraie de Skoura, rompt d’emblée avec les codes hôteliers classiques. Ni réception, ni restaurant, et pas de clé sur les portes : une immersion totale, tarifée à la journée autour de 1000 euros par personne tout inclus.

1 – Qu’est-ce qui justifie un prix si élevé dans une expérience où rien ne semble à première vue correspondre aux codes traditionnels du luxe ?

« Dar Ahlam n’est pas un hôtel. Nous ne vendons pas de chambre ni de repas. Nous organisons le séjour de nos hôtes dans leur globalité en incluant toutes les prestations que vous pouvez désirer y compris la totalité de nos activités, mises en scène et expériences. Chaque moment de vie est organisé en totale intimité : là où vous êtes, les autres ne sont pas. Cela permet aussi bien au couple en lune de miel qu’à une famille avec 4 enfants de profiter pleinement de Dar Ahlam sans déranger les autres ou être dérangé ! » – Thierry Teyssie

700’000 Heures ne fait pas de publicité et refuse les logiques de volume.

2 – Comment vos clients parviennent-ils jusqu’à vous, et quels profils se cachent derrière ceux qui trouvent ce qui ne se cherche pas ?

« Nous pensons que le tourisme a énormément détruit sur son passage sans chercher ni à protéger ni à partager. Pour nous, l’équilibre de la vie locale est primordial et nous prônons la micro hospitalité. Il est donc important de limiter le nombre de voyageurs par an sur une destination. À partir de ce moment-là, il est naturel et plus facile de rechercher les clients en adéquation avec vos valeurs. La singularité de notre offre éloigne généralement les personnes qui ne cherchent qu’une représentation de leur réussite. Les personnes qui nous rejoignent sont à la recherche de plus de sens et d’authenticité. » – Thierry Teyssier

3 – Vous cherchez d’abord un lieu… puis les clients ? Ou l’inverse : vous sentez une demande, et alors seulement vous dénichez le lieu ?

« Il est important dans l’intention et le process d’une hospitalité régénérative que le projet naisse à la demande d’une communauté et non l’inverse. Ce n’est donc pas moi qui décide d’une destination ou d’un projet mais bien une communauté qui, via l’intermédiaire d’une ONG ou d’un acteur local, vient nous trouver avec une envie ou un besoin. Une fois le projet lancé, il est facile de trouver 50 clients par saison ! » – Thierry Teyssier

II. Le choix de l’itinérance

À rebours d’un secteur fondé sur le long terme, notamment avec des acteurs comme Singita, Explora, Aman ou &Beyond, vous avez choisi la mobilité.

4 – En quoi le déplacement est-il une stratégie, et non une simple esthétique de la rareté ?

« L’itinérance au départ venait d’une volonté de démontrer que l’hospitalité ne devait pas être limitée à des murs et un toit mais pouvait tout à fait correspondre à un état d’esprit et une façon d’accueillir quel que soit le lieu. Au fil du temps, l’impact est devenu la pierre angulaire du projet. Nous n’avons pas vocation à rester dans un lieu mais à soutenir une population locale dans son propre projet de développement. Une fois leur autonomie acquise, à eux d’en prendre les rênes. Nous utilisons l’hospitalité non comme un but mais comme un outil au service des communautés. » – Thierry Teyssier

Chaque résidence n’est réservée qu’à quelques invités, dans des lieux difficiles d’accès. Cela implique peu de volume, peu de récurrence, et peu de scalabilité.

5 – Quelles sont les limites économiques lorsqu’on investit dans des lieux éphémères ?

« Si notre présence est éphémère, les projets restent pérennes dans leur quasi-totalité. L’investissement initial peut donc être amorti sur plusieurs saisons. Nous pensons également que les profits doivent servir au développement du projet. L’argent devient ainsi un outil et non un but. Néanmoins, l’agilité de 700’000 heures permet d’être profitable sur chaque destination et les bénéfices sont réinvestis dans chaque projet en accord avec la population. » – Thierry Teyssier

6 – Avez-vous des partenariats avec des acteurs locaux pour mutualiser vos coûts ?

« Nous venons régulièrement sur site à la demande de certains acteurs locaux pour développer de nouveaux projets. Ce sont eux qui vont assurer la pérennité des lieux. Leur apport vient plus de leur présence depuis de nombreuses années, de leur connaissance des populations locales et de leur implication au quotidien que dans des économies de coûts. » – Thierry Teyssier

III. Faut-il disparaître pour exister ?

700’000 Heures revendique un tourisme régénératif : absence de construction lourde, circuits courts, collaborations communautaires. Vous avez notamment contribué à restaurer le village ancien de Tizkmoudine, au Maroc.

7 – Quels effets durables observez-vous lorsque vous quittez un lieu que vous avez temporairement investi ?

« Notre modèle permet d’engager une communauté sur la voie de l’autonomie vs la dépendance que peut créer l’hôtellerie lors de son implantation. Au fur et à mesure que les projets du village se développent, la part des revenus perçus via l’hospitalité diminue. Arrive alors le moment où la communauté peut prendre son indépendance. » – Thierry Teyssier

Le nom 700’000 Heures fait référence à la durée moyenne d’une vie humaine.

8 – Y a-t-il une fin programmée, un moment où 700’000 Heures devra disparaître pour rester fidèle à sa propre raison d’être ?

« Tant qu’il y aura des communautés à accompagner, des héritages à préserver, des cultures à partager, 700’000 heures continuera à exister. » – Thierry Teyssier

The New Siècle remercie Thierry Teyssier d’avoir répondu à notre interview et ainsi partager sa vision et son expérience à nos lecteurs.

Nom d'auteur Juliette Lamy
Juliette Lamy a fait ses armes dans l’audiovisuel puis à la rédaction de Gala.fr et Webedia. Au sein de The New Siècle, elle orchestre les formats exclusifs : Interview, 1 Min Chrono, Le Versus et Entretien avec l’IA. Quelle que soit la thématique, intelligence artificielle, innovations, gaming, elle traque toujours l’intention. Ce que cela change. Pour qui, et pourquoi. Ses phrases, souvent courtes et rythmées, sont sa signature intellectuelle.
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