Pourquoi l’avenir de Google dans l’IA repose sur Gemini ?
75 milliards de dollars. C’est ce qu’aurait dépensé le groupe Google-Alphabet pour développer ses initiatives autour de l’IA, notamment Gemini. Une IA multimodale conçue pour s’infiltrer dans tous les services de l’entreprise, utilisée par 450 millions d’utilisateurs par mois selon le PDG Sundar Pichai. Le chiffre impressionne, oui, mais la bataille reste ouverte car ChatGPT est toujours en tête, Claude progresse discrètement, Mistral grignote du terrain et Meta aligne les expérimentations. Pour Google, l’enjeu dépasse le simple produit… C’est une affaire de survie.
De l’ombre de PaLM et LaMDA à l’hégémonie multimodale de Gemini
Avant Gemini, Google avait déjà trois cordes à son arc. L’Assistant en 2016 (qui vit toujours, même s’il s’essouffle), puis PaLM et LaMDA pour les conversations avancées. Deux projets connus des chercheurs, inconnus du grand public. Gemini 2.5, dévoilé à la fin 2023, réunit tout cela sous une seule enseigne. Plus facile à comprendre, plus performant aussi. Google a réalisé que multiplier les appellations créait de la confusion… y compris au sein de ses propres équipes.
Texte, image, son et vidéo… Gemini fait bien plus qu’écrire. Il commente une photographie, lit une carte, esquisse un schéma à la demande ou analyse des données financières. Il analyse des documents entiers (même les plus indigestes), suit des conversations qui s’éternisent, synthétise des centaines de pages de réunion, imagine des scénarios vidéo à partir de quelques mots… et peut aussi produire du code sur commande. Jusque là, rien de plus que ChatGPT. Là où il diffère des autres modèles, c’est dans sa capacité à produire des vidéos. Avec l’intégration native de VEO3, il sait générer des séquences entières. Un territoire impressionnant, mais encore à ses balbutiements, avec des rendus parfois saisissants et d’autres qui trahissent vite certaines limites.
Gemini, l’épine dorsale de l’écosystème Google
Un nouveau chapitre s’est ouvert avec le déploiement du Mode IA dans la Recherche. Depuis août 2025, 180 pays accèdent à des résultats enrichis par Gemini 2.5, qui génère des synthèses et développe des raisonnements assez complexes baptisés « Deep Think ». Le moteur de recherche Google a bien changé. Fini le temps où il se contentait de renvoyer vers des pages web… Maintenant il dialogue presque comme un humain. Pour des milliards d’usagers quotidiens, la différence se mesure chaque jour.
Chrome s’aligne avec des versions Pro et Ultra enrichies par Gemini, réservées aux abonnés. Android Auto récupérera cette technologie avant la fin 2025 (directement dans nos voitures). La voix commandera la navigation et les traductions se déclencheront toutes seules dans plus de quarante langues. Dans l’entreprise, Gemini 2.5 Flash et Pro trouvent aussi leur place. Ces versions incluent le son en natif et des réglages pensés pour le monde professionnel… avec des paramètres spéciaux pour les secteurs délicats. Des améliorations discrètes qui, mises ensemble, changent petit à petit notre quotidien numérique… jusqu’à devenir indispensables. Pour Google, c’est surtout une question économique. Chaque usage de Gemini doit tôt ou tard se traduire en revenus, sous peine de cannibaliser le cœur publicitaire historique.
Les développeurs disposent eux aussi d’une pièce maîtresse. L’été 2025 a vu apparaître Gemini CLI, un agent IA pensé pour coder directement avec Gemini 2.5 Pro, et totalement open source. Compatible avec VS Code et GitHub Actions, il peut traiter jusqu’à un million de tokens (énorme pour du code) et puise dans la recherche en temps réel. Google prépare déjà l’après avec Gemini 3.0 qui arrive bientôt, accompagné du projet Mariner. Ce dernier promet des agents autonomes capables de gérer des tâches complexes via Vertex AI Agent Engine (la plateforme professionnelle de Google pour ses IA).
Les défis que Google doit relever pour faire de Gemini un leader de l’IA
Google développe Gemini à un rythme effréné… peut-être trop rapide. Chaque nouvelle fonctionnalité soulève des interrogations. Encore beaucoup d’erreurs et d’hallucinations dans les réponses, véritable problème dans des domaines sensibles comme la médecine ou le juridique. Ce n’est pas tout. Chaque question posée à Gemini demande une puissance de calcul énorme (et donc beaucoup d’électricité). Google essaie de limiter les dégâts avec des versions allégées comme Gemini 2.5 Flash, pour préserver les performances tout en maîtrisant les coûts. Mais répondre à des milliards d’utilisateurs sans exploser le budget énergétique ni aggraver l’empreinte carbone n’est pas une mince affaire. À cela s’ajoute une inquiétude interne : Google est en retard. L’entreprise sait qu’elle a déjà raté plusieurs trains de l’IA générative malgré avoir inventé des briques clés comme le transformer.
Au-delà de cela, le géant américain se retrouve pris entre deux feux. D’un côté les régulateurs européens avec leur AI Act (plutôt strict), de l’autre les autorités américaines qui exigent plus de transparence. Les utilisateurs, eux, veulent des garanties sur leurs données… ce qui complique d’autant plus l’équation. OpenAI, Anthropic, Meta ou encore Mistral AI regardent tout ça de près. Chacun espère tirer profit des difficultés de son rival. Pour Gemini, le verdict viendra des régulateurs et de la confiance que Google parviendra (ou pas) à inspirer. Un faux pas sur la sécurité ou la vie privée pourrait enterrer ses ambitions mondiales avant même qu’elles se concrétisent.
Gemini s’insinue partout… dans la recherche Google, Chrome, Android Auto et les outils professionnels. Les développeurs commencent à l’adopter, les entreprises aussi. Mais sa réussite dépend de quatre facteurs : améliorer sa fiabilité, réduire ses coûts, séduire les régulateurs de plus en plus méfiants… et tenir face à une concurrence féroce. Google a tout misé sur cette technologie. Un choix radical qui transforme Gemini en arbitre de son avenir dans l’intelligence artificielle. Reste la question qui obsède Mountain View. Cette IA parviendra-t-elle à détrôner ChatGPT, qui domine encore largement le marché… ou Google devra-t-il se contenter d’un strapontin dans une course qu’il pensait pouvoir remporter ?
Juliette Lamy
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