Dans cette interview inédite, The New Siècle a interrogé Jean-Louis Poiroux sur les fondations de Cinq Mondes, les tensions du marché du bien-être, et sa vision d’un “luxe holistique”, entre traditions médicales et exigences industrielles.

I. Création d’un empire holistique

Vous ouvrez le premier spa Cinq Mondes en décembre 2001 à Paris, au cœur du Triangle d’or.

1 – Comment avez-vous mis en place cette vision holistique, nourrie de médecines ancestrales, au sein d’un lieu codé par les standards du luxe parisien ?

« Cette vision holistique a été nourrie au tout départ par une première expatriation de deux années à Londres où j’ai découvert la médecine traditionnelle ayurvédique indienne (il y a une forte communauté indienne dans le quartier de Bayswater). Je me suis formé à l’abhyanga (le massage ayurvédique traditionnel), puis le phénomène des spas s’est développé notamment aux USA. J’y voyageais dans mes années l’Oréal et l’idée m’est venue de proposer un modèle cette fois-ci de spa européen, ouvert sur les médecines traditionnelles du monde entier mais avec une cosmétique naturelle, que j’appellerai “Cinq Mondes”. » – Jean-Louis Poiroux

Avant de fonder Cinq Mondes, vous avez joué un rôle clé dans la création de la gamme Fructis chez L’Oréal, puis accompagné le développement de la maison horlogère TAG Heuer aux côtés de Philippe Champion.

2 – Qu’est ce qui relie ces trois expériences ? 

« Ce qui relie ces trois expériences c’est le goût pour la créativité, le goût d’inventer des univers dans lesquels le public puisse se projeter. Fructis et sa création ont été une épopée, là encore j’ai inventé cette marque et j’y ai associé les technologies des laboratoires de l’Oréal. Cela m’a permis de devenir Directeur du Marketing de la Catégorie Haircare pour le monde. Cette expérience Fructis était finalement de l’intrapreneuriat et quand Fructis a été lancé avec succès dans 28 pays, j’ai ressenti le besoin d’aller dans un univers encore plus entrepreneurial. 

C’est là que j’ai rencontré Philippe Champion co-fondateur de TAG Heuer qui m’a coopté pour lui succéder. TAG Heuer était encore indépendant avec une liberté de création totale. Quand LVMH l’a racheté, j’ai parlé de mon projet Cinq Mondes à Philippe Champion qui m’a dit qu’il serait mon premier investisseur, ce qu’il a fait. Ces expériences sont un passage graduel de l’intrapreneuriat vers le pur entrepreneuriat. » – Jean-Louis Poiroux

En plus de vingt ans, vous avez structuré un réseau international intégrant plus de 1 000 spas partenaires, et assurant une présence dans 35 pays, des établissements à Monaco, Lausanne, et même Dubaï.

3 – Comment assurer une qualité de service homogène au sein d’un réseau international aussi vaste et diversifié ?

« L’enjeu était de diffuser des techniques de soins dans le monde entier, tout en veillant à ce qu’elles soient pratiquées avec une réelle homogénéité. C’est là que ma femme Nathalie Bouchon Poiroux a joué un rôle important en chapeautant une équipe de 10 formatrices internationales, une véritable académie qui diffusait la connaissance, la pratique et le contrôle de la qualité. » – Jean-Louis Poiroux

Vous revendiquez des partenariats avec des experts de traditions médicales et cosmétiques, venant des quatre coins du globe.

4 – Dans une industrie souvent accusée d’appropriation culturelle, comment construisez-vous un récit mondial sans tomber dans le folklore ?

« Dès le début de Cinq Mondes j’ai été très attaché à l’authenticité des médecines traditionnelles que nous faisons vivre, c’est pourquoi j’ai toujours refusé de proposer des Rituels sans une tradition ancestrale véritable, en évitant totalement le syndrome du parfum sakura ou de la carte postale du Mexique. Les traditions que j’ai choisies devaient être ancestrales, avec de la littérature associée et des maîtres et médecins vivants et partageant l’enseignement. 

C’est pourquoi j’ai travaillé vingt ans avec le Dr Gensham Marda PhD spécialisé en thérapies ayurvédiques, la Maître de Kobido Japonais Mayumi Chiikiwa, la spécialiste de l’art du hammam, le Dr Fassi etc.. Par ailleurs, les produits cosmétiques Cinq Mondes ont toujours été de vraies recettes de beauté des différents continents, mais adaptés aux besoins de nos contemporains occidentaux (huiles sèches, textures et galéniques modernisées, brevets d’efficacité…) » – Jean-Louis Poiroux

II. Entre authenticité & industrialisation

En 2023, le marché mondial du bien-être a atteint 6 300 milliards de dollars, selon le Global Wellness Institute, avec une projection à 6 800 milliards en 2024.

5 – Au sein du milieu saturé du bien-être, comment se faire une place et inscrire un nom que l’on retient ?

« C’est la rencontre d’un projet très authentique, très aligné avec les valeurs de son fondateur, et du public. Pour Cinq Mondes j’ai littéralement inventé un nouveau marché, que j’ai même intégralement renommé de manière sémantique : les “modelages” sont devenus chez Cinq Mondes des “Rituels de Massage”, “les cabines” sont devenues des “Suites de Félicité”, les esthéticiennes sont devenues des “Spa-Thérapeutes”, etc… Nommer, c’est aussi créer. » – Jean-Louis Poiroux

Vous avez construit Cinq Mondes comme une marque indépendante, avant d’ouvrir le capital au groupe Batteur (connu pour les Laboratoires Gilbert) afin d’accélérer le développement

6 – Comment préserver l’intégrité d’un projet lorsque l’on change d’échelle ?

« En gardant les mêmes valeurs, la même attention au détail. Après la cession, j’ai été pendant trois ans directeur de l’innovation soins et produits, ce qui a permis de rénover totalement Cinq Mondes, de l’amener plus haut en gamme tout en préservant son authenticité. » – Jean-Louis Poiroux

Cinq Mondes repose sur une connaissance fine des traditions, mais évolue dans un monde technologique en pleine mutation.

7 – Quel rôle les sciences du bien-être et l’intelligence artificielle peuvent-elles jouer ensemble dans votre approche du soin ?

« C’est surtout dans la proposition au bon moment de soins personnalisés pour chaque client. En cela la data et l’intelligence artificielle sont très utiles, mais ensuite vient le temps de l’humain et de la main, avec une intelligence qui est tout sauf artificielle ! » – Jean-Louis Poiroux

The New Siècle remercie Jean-Louis Poiroux d’avoir répondu à notre interview et ainsi partager sa vision et son expérience à nos lecteurs.

Nom d'auteur Juliette Lamy
Juliette Lamy a fait ses armes dans l’audiovisuel puis à la rédaction de Gala.fr et Webedia. Au sein de The New Siècle, elle orchestre les formats exclusifs : Interview, 1 Min Chrono, Le Versus et Entretien avec l’IA. Quelle que soit la thématique, intelligence artificielle, innovations, gaming, elle traque toujours l’intention. Ce que cela change. Pour qui, et pourquoi. Ses phrases, souvent courtes et rythmées, sont sa signature intellectuelle.
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