Une fonction née d’un vide lexical

Quand ChatGPT, Mid Journey et les autres IA génératives ont commencé à s’infiltrer au sein des entreprises, une évidence a émergé. Il faut savoir parler leur langue (et ce n’est pas toujours une mince afffaire). Un nouveau métier a alors fait son apparition, celui de prompt engineer. Très vite, beaucoup ont compris qu’une requête bien réfléchie pouvait faire gagner des heures… voire des jours de travail. 

Des prompt engineers ont donc été formés ou recrutés pour “procésser” ces méthodes et affiner les résultats. Dans une agence de pub par exemple, un prompt engineer formé à Midjourney va générer des visuels cohérents, pour composer un moodboard ou poser une direction artistique avant un lancement de campagne. Dans une legaltech, il va automatiser l’analyse d’un contrat par une IA. Et la liste s’allonge, car dans l’éducation, les RH, le service client ou même le codage, le prompt engineering se révèle être un levier d’efficacité plus que redoutable.

L’art discret des chaînes de prompts

Une bonne partie du travail consiste à construire ce que l’on appelle des “prompts chaînés”. Des instructions qui s’enchaînent pour aider l’IA à suivre un raisonnement pas à pas.

Cela demande une gymnastique mentale bien rodée car il faut savoir orienter le modèle sans le brider, être précis sans trop cadrer et parfois même aller à rebours de l’intuition. Les experts appellent cela une “programmation en langage naturel”. Pas si éloigné de la réalité, finalement !

Quels profils derrière les prompts engineers ?

Une curiosité insatiable et des doigts habitués à coder du Python. Le prompt engineer jongle entre rigueur scientifique et créativité éditoriale, disséquant les réponses des IA à la manière d’un linguiste qui décortiquerait un texte ancien. Son quotidien se résume à des centaines d’essais, des bugs à gérer et cette course permanente contre l’obsolescence des modèles. Un métier hybride où la logique pure côtoie l’intuition… et où chaque virgule compte.

Littéraires reconvertis, spécialistes UX, anciens chefs de projet digital, data scientists et même copywriters… Tous ont développé cette capacité à raisonner sur la logique d’un modèle d’IA et à le tester sans relâche pour déceler ses forces et ses failles.

Se former à un métier qui n’a pas encore d’école

Sachez qu’il n’existe pour l’heure aucun diplôme d’État. Mais certaines formations privées existent et l’offre explose. Bootcamps, MOOC, certifications privées, coaching en entreprise… Tout le monde s’y met. Certains parcours sont solides, à l’instar de ceux proposés par OpenAI ou DeepLearning.AI, quand d’autres relèvent plus du marketing déguisé.

Les meilleures formations vous apprennent par exemple à relier une IA à une base de documents pour qu’elle réponde avec des infos vérifiées (c’est le principe du RAG), ou à structurer un raisonnement complexe étape par étape. Autrement dit, on passe d’un simple prompt bien écrit… à un savoir-faire technique. «  Vous explorez le multivers des possibilités fictives, vous sculptez l’espace de ces possibilités et vous éliminez tout sauf le texte que vous voulez  », a confié Riley Goodside, prompt engineer chez Scale AI auprès du Washington Post, ajoutant  que « cela peut être un exercice mental très difficile ».

Prompt engineer : un métier devenu stratégique

En 2024, Anthropic a mis sur la table 335 000 $ pour attirer un spécialiste des prompts. Un chiffre qui donne le tournis mais révèle une tangente. Ces profils hybrides ne se contentent plus d’écrire des requêtes magiques, ils participent aux phases de test, passent au crible les réponses générées, identifient les sorties bancales et ajustent les formulations pour éviter les dérives…

Mistral AI, LightOn, PhotoRoom ou encore Hugging Face, sans compter les équipes IA d’Alan ou de Qonto, ont recruté des prompts engineer. Mais ne les cherchez pas forcément sous cet intitulé car si le métier existe, le titre, lui, varie. On parle plus volontiers de « Language Experience Designer », de « LLM Ops » ou encore de « Product AI Specialist ».

Quel avenir pour un prompt engineer ?

Le problème, c’est que personne ne semble s’accorder sur ce que recouvre réellement ce métier de demain. Certains y voient un poste technique, à la croisée des sciences cognitives et du développement logiciel. D’autres y reconnaissent plutôt une compétence annexe, comparable à celle d’un bon consultant qui saurait simplement poser de bonnes questions.

Alors, le métier de prompt engineer est-il viable sur cinq ou dix ans ? Les spécialistes sont mitigés. La grande question en suspens reste celle de la durabilité. Beaucoup d’experts pensent que le prompt engineering finira par se fondre dans d’autres rôles comme développeur IA ou UX designer. Mais dans des domaines comme la santé ou la cybersécurité par exemple, cette compétence pourrait bien devenir indispensable, car il faudra toujours quelqu’un pour cadrer précisément ce que l’IA peut ou ne peut pas produire. 

Ce qui est certain, c’est que le prompt engineering n’est pas un acquis. Il dépend de la manière dont les IA évolueront. Si les modèles deviennent capables d’inférer automatiquement les intentions d’un utilisateur à partir d’une phrase vague, l’utilité du prompt engineer pourrait décroître. Tant que les IA restent sujettes aux hallucinations et aux biais culturels, le besoin d’une couche humaine reste crucial.

Au-delà de la technique, ce métier cristallise aussi la manière dont langage et pouvoir s’articulent à l’ère de l’IA générative. Car derrière chaque réponse produite par une IA, quelqu’un décide de la direction à suivre et du cadre à respecter. Le prompt engineer fait partie des rares à pouvoir infléchir ces choix. Un pouvoir discret, mais pourtant bien réel…

Quel avenir pour un prompt engineer ?

Si quelques experts pensent que le prompt engineering finira par s’intégrer aux missions des développeurs IA ou UX designers, il y a des secteurs sur lesquels une expertise dédiée est nécessaire. C’est valable dans la santé ou la cybersécurité par exemple, où on ne peut pas   improviser avec l’IA sur un protocole médical ou un firewall.

Le prompt engineering n’est pas gravé dans le marbre, puisqu’il est obligé d’évoluer avec les modèles. Mais pour l’instant elles déraillent encore. Elles hallucinent, se trompent d’époque, mélangent les références, produisent du faux avec l’assurance du vrai. 

Tant que ces incohérences subsisteront il faudra quelqu’un pour les encadrer. En attendant, ces dresseurs de mots numériques ont de beaux jours devant eux…

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Nom d'auteur Juliette Lamy
Juliette Lamy a fait ses armes dans l’audiovisuel puis à la rédaction de Gala.fr et Webedia. Au sein de The New Siècle, elle orchestre les formats exclusifs : Interview, 1 Min Chrono, Le Versus et Entretien avec l’IA. Quelle que soit la thématique, intelligence artificielle, innovations, gaming, elle traque toujours l’intention. Ce que cela change. Pour qui, et pourquoi. Ses phrases, souvent courtes et rythmées, sont sa signature intellectuelle.
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